Espagne – Accords de distribution et compensation du goodwill (clientèle)

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Selon la jurisprudence bien établie de la Cour suprême espagnole, un distributeur peut avoir droit à une compensation pour la clientèle si l’article 28 de la loi sur les agences est appliqué par analogie (l' »idée inspiratrice« ). Cette compensation est calculée pour l’agent sur la base des rémunérations perçues au cours des cinq dernières années.

Or, dans un contrat de distribution, il n’y a pas de « rémunérations » telles que celles perçues par l’agent (commissions, forfaits ou autres), mais des « marges commerciales » (différences entre le prix d’achat et le prix de revente). La question est donc de savoir quelle grandeur il faut considérer pour la rémunération de la clientèle dans un contrat de distribution : soit la  » marge brute  » (la différence susmentionnée entre le prix d’achat et le prix de revente), soit la  » marge nette  » (cette même différence mais en déduisant les autres frais et taxes dans lesquels le distributeur s’est engagé).

La conclusion jusqu’à présent semblait être de calculer la rémunération du distributeur à partir de ses « marges brutes », car il s’agit d’une grandeur plus comparable à la « rémunération » de l’agent : les autres dépenses et impôts du distributeur ne pouvaient pas être déduits de la même manière que dans un contrat d’agence, ni les dépenses ni les impôts n’étaient déduits.

La Cour suprême (17 novembre 1999) avait souligné que pour calculer la rémunération des clients « il est plus approprié de la considérer comme une contribution brute, car avec elle l’agent doit couvrir tous les débours de son organisation commerciale ». En outre, les « gains obtenus » « ne constituent pas une rémunération dans le même sens » (21 octobre 2008), étant donné que ces « avantages« , « appartiennent au champ interne de l’organisation propre de l’agent » (12 mars 2012).

Récemment, cependant, l’arrêt de la Cour suprême du 1er mars 2017 (confirmé par un autre du 19 mai 2017) considère que la détermination du montant de la rémunération de la clientèle dans un contrat de distribution ne peut pas être basée sur les  » marges brutes  » obtenues par le distributeur, mais dans la  » marge nette « . Pour parvenir à cette conclusion, la Cour se réfère à un arrêt de la même juridiction de 2016 et à d’autres de 2010 et 2007.

Cela implique-t-il un changement de jurisprudence ? À mon avis, cette lecture que fait la Cour suprême n’est pas correcte. Voyons pourquoi.

Dans l’arrêt de mars 2017, la disjonction entre marge brute ou nette est mentionnée dans le deuxième argument juridique et renvoie à l’arrêt de 2016.

Dans cet arrêt de 2016 il a été retenu que même si un autre arrêt de 2010 n’a pas décidé si le calcul devait être fait sur les marges brutes ou nettes, dans un précédent arrêt de 2007, il a été admis que ce qui était similaire à la rémunération de l’agent était le bénéfice net obtenu par le distributeur (bénéfices une fois déduits les frais et les impôts) et non la marge qui est la différence entre les prix d’achat et de revente.

Or, à mon avis, dans l’arrêt de mars 2017, la Cour suprême se réfère en dernière instance à l’arrêt 296/2007 pour quelque chose que ce dernier n’a pas dit. En 2007, la Cour Suprême n’a pas quantifié l’indemnisation de la clientèle, mais plutôt les dommages et intérêts. Plus précisément, et après avoir affirmé que « l’indemnisation de la clientèle doit être demandée clairement dans le procès, sans confusion ni ambiguïté », la Cour a conclu que la Chambre « doit résoudre ce qui correspond aux termes dans lesquels le débat a été soulevé… dans le procès initial. Et puisque […] une indemnité de dommages-intérêts était intéressée principalement en fonction de la durée de la relation […] la solution plus adaptée à la jurisprudence de cette Cour […] consiste à fixer comme indemnité de dommages-intérêts un montant équivalent aux bénéfices nets qui [ont été] obtenus par la distribution des produits […] pendant l’année précédant immédiatement la fin du contrat « .

Par conséquent, dans cet arrêt de 2007, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’indemnisation de la clientèle, mais sur les dommages et intérêts.

De cette façon, la conclusion à laquelle on était parvenu en 2007 pour calculer l’indemnisation des dommages sur les marges nettes, a été transférée sans autre analyse en 2016 mais pour le calcul de l’indemnisation de la clientèle. Ce critère est maintenant réitéré dans les arrêts de 2017 de manière quasi automatique.

A mon avis, cependant, et malgré le changement jurisprudentiel, la thèse qui devrait prévaloir est que pour appliquer par analogie l’indemnité de clientèle dans les contrats de distribution, la grandeur équivalente à la  » rémunération  » de l’agent est la  » marge brute  » obtenue par le distributeur et non sa  » marge nette  » : il n’est pas très logique que si l’on applique l’analogie pour reconnaître l’indemnité de clientèle à un distributeur, on la déduise des montants de ses marges brutes pour atteindre sa marge ou son bénéfice net. L’agent a aussi ses dépenses et paie aussi ses impôts à partir de ses « rémunérations » et rien dans la directive 86/653/CEE ni dans la loi sur le contrat d’agence ne permet de déduire de telles grandeurs pour calculer son indemnité de clientèle. A mon avis, donc, et dans le même ordre d’idées, les distributeurs devraient être égaux : les grandeurs qui pourraient être comparées devraient être les rétributions (brutes) de l’agent avec les marges (brutes) du distributeur (c’est-à-dire la différence entre le prix d’achat et le prix de revente).

En conclusion, les jugements du 1er mars et du 19 mai 2017 insistent sur ce que je considère comme une erreur antérieure et génèrent une confusion supplémentaire à une question qui a déjà été discutée : l’application analogique de la rémunération de la clientèle aux contrats de distribution et la méthode de calcul.

 Avis de mise à jour (27 janvier 2020)

Dans une récente ordonnance ( » Auto « ) de la Cour Suprême du 20 novembre 2019 (ATS 12255/2019 d’irrecevabilité du recours), la Cour a eu l’occasion de revenir sur cette question et de confirmer les critères de la dernière jurisprudence : que dans les contrats de distribution, la grandeur à considérer pour appliquer l’analogie et calculer l’indemnité de clientèle sont les  » marges nettes « .

Dans cette procédure, un distributeur a fait appel de la décision de la Cour provinciale de Barcelone qui a reconnu une indemnisation basée sur les marges nettes et non sur les marges brutes. Ledit distributeur a demandé à la Cour suprême d’annuler ledit jugement au motif qu’il a été pris en application de la dernière jurisprudence, erronée selon la précédente dans l’opinion de l’appelant.

La Cour suprême, cependant, semble confirmer que, contrairement à la thèse que j’ai défendue plus haut dans ce billet,  » il n’y a pas d’erreur alléguée dans la jurisprudence la plus récente dans l’interprétation analogique de l’art. 28.3 de la loi sur l’agence pour le contrat de distribution, ni, par conséquent, la nécessité de revoir la jurisprudence la plus récente en la matière « . Par conséquent, si la Cour Suprême ne révise pas sa jurisprudence la plus récente et considère que le jugement qui a appliqué les marges nettes était acceptable, nous devons considérer que la grandeur à considérer dans la compensation pour la clientèle dans les contrats de distribution est celle des marges nettes et non des marges brutes.

Avec cette décision, il semble (ou juste  » il semble  » ?), donc, que la Cour tranche la discussion qui, cependant et à mon avis, continuera néanmoins à susciter de nombreuses discussions.

Ignacio Alonso
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