France – Rupture brutale d’un contrat international

17 juin 2024

  • France
  • Contrats

L’article 442-1.II du code de commerce (ancien article L. 442-6.I.5 °) sanctionne la rupture par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services d’un contrat écrit ou d’une relation commerciale informelle sans donner un préavis écrit suffisant. Au cours des vingt dernières années, cet article est devenu le fondement juridique régulier d’actions en réparation (jusqu’à 18 mois de marge brute et d’autres dommages) lorsqu’une relation commerciale ou un contrat prend fin (totalement ou même partiellement).

Par conséquent, tout commerçant (notamment étranger) qui contracte avec une entreprise (française) devrait essayer de ne pas être appréhendé cette règle (partie I) et, s’il ne peut pas, devra comprendre et contrôler sa mise en œuvre (partie II).

En bref :

Comment une entreprise étrangère peut-elle éviter ou contrôler le risque lié à la rupture brutale des relations commerciales fixée par la loi française ?

Les entreprises étrangères faisant affaire avec un partenaire français devraient :

  • conclure, dès que possible, un accord cadre écrit avec leurs fournisseurs ou clients français, même pour une relation très simple et;
  • stipuler une clause en faveur d’une juridiction étrangère (ou d’un d’arbitrage) ainsi une clause soumettant le contrat à une loi étrangère car, à défaut, elles seraient soumises aux tribunaux et lois français.

Comment une entreprise étrangère peut-elle maîtriser le risque lié à la rupture brutale des relations commerciales fixée par la loi française ?

Les entreprises étrangères faisant affaire avec un partenaire français devraient :

  • savoir que cette règle s’applique à presque tous les types de relations commerciales ou contrats, qu’ils soient écrits ou non, à durée déterminée ou non;
  • vérifier si leur relation/contrat est suffisamment longue, régulière et significative et si l’autre partie a légitimement cru en la continuation de cette relation/contrat;
  • donner un préavis écrit de résiliation ou de non-renouvellement (ou même d’une modification majeure), dont la durée tient principalement compte de la durée de la relation, indépendamment de la durée du préavis contractuel;
  • invoquer, avec prudence, la force majeure et la faute grave de la partie pour écarter la rupture brutale;
  • anticiper, en cas de préavis insuffisant, une indemnisation dont le montant est le produit de la marge brute mensuelle moyenne multipliée par la durée du préavis non accordé.

Comment éviter l’application de la règle française relative à la rupture brutale ?

Dans les affaires internationales, une entreprise étrangère doit anticiper, avant de résilier un contrat ou une relation commerciale, si cette relation / ce contrat est soumis ou non au droit français et, en cas de litige, si elle sera portée devant un tribunal français ou non.

Quelle sera la loi applicable à la rupture brutale ?

Il est assez difficile pour une entreprise étrangère d’anticiper correctement les règles de conflit de lois applicables à la rupture brutale. Dans un arrêt du 19 septembre 2018 (RG n°16/05579, DES/Clarins), la Cour d’appel de Paris a étendu, par référence implicite à l’arrêt Granarolo de la CJUE (07/14/16, N°C196/15), la qualification contractuelle à la plupart des relations commerciales ce qui améliore la prévisibilité et permet ainsi à une entreprise étrangère de tenter d’exclure le droit français et donc la règle relative à la rupture brutale.

Rupture brutale d’un contrat écrit ou d’une relation contractuelle tacite

Selon le Règlement Rome I (CE n° 593/2008, 17 juin 2008) sur la loi applicable aux contrats :

  • En cas de choix d’une loi étrangère par les parties : La clause prévoyant une loi étrangère applicable sera valide et respectée par les juges français (sous réserve des lois de police) à condition que le choix de la loi par les parties soit exprès ou au moins certain.
  • En l’absence de choix par les parties : La loi française sera probablement déclarée applicable au titre soit de la loi du pays où est basé le distributeur/franchisé, etc., soit de loi du pays où la partie qui doit fournir le service prévu par le contrat, a son domicile.

Rupture brutale d’une relation informelle

En cas de relation informelle (c’est-à-dire la plupart du temps, des commandes passées de temps en temps), les juges français retiendront la qualification délictuelle et se référeront au Règlement Rome II (n° 864/2007, 11 juillet 2007) sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.

  • En cas de choix d’une loi étrangère par les parties : une clause de loi applicable correctement rédigée devrait être reconnue par un juge français à condition qu’elle vise expressément la responsabilité extra-contractuelle.
  • En l’absence de choix de loi par les parties : la loi française sera probablement déclarée applicable et pourra être celle de la loi du pays où le dommage survient (indépendamment du lieu du fait générateur ou de celui des conséquences indirectes) qui est le lieu du siège social où la victime française subit les conséquences de la rupture.

Rupture brutale, une loi de police ?

La position des tribunaux français est assez vague et insatisfaisante, et ce depuis longtemps.

Pour résumer : le Tribunal de commerce de Paris estime que la rupture brutale n’est pas une loi de police, la Cour d’appel de Paris (seule cour d’appel française compétente en la matière) n’est également pas en faveur de la qualification de loi de police au motif que le texte « protège des intérêts économiques purement privés » (CA Paris, pôle 5, ch. 5, 28 février 2019, n° 17/16475 / CA Paris, pôle 5, ch. 5, 8 octobre 2020, n°17/19893). Récemment, elle a réaffirmé que la rupture brutale des relations commerciales établies n’est pas une loi de police (Cour d’appel de Paris, 11 mars 2021, n° 18/03112).

La Cour de cassation n’a jamais explicitement abordé la question (loi de police ou pas). Certes la Cour de cassation a jugé dans l’affaire Expedia (Cass. com., 8 juillet 2020, n°17-31.536) que les dispositions de l’ancien article L. 442-6, I, 2º et II, d), sur le « déséquilibre significatif » (qui fait partie du même ensemble de règles que la « résiliation brutale ») sont des lois de police, mais cette qualification devrait être limitée à l’action spécifique intentée uniquement par le ministère des finances. De plus certains tribunaux pourraient être tentés d’invoquer les dispositions de la loi française n°2023-221 (30 mars 2023, aka Egalim III) pour qualifier la règle sur la rupture brutale de loi de police ; cependant ce texte (article L 444-1.A du Code de commerce) ne vise pas expressément la notion de loi de police et ne justifie en rien de retenir une telle qualification.

Par conséquent, si un tribunal français est saisi d’une demande de « rupture brutale », il existe toujours un risque que ce dernier exclut la loi étrangère applicable et la remplace par le régime résultant de la « rupture brutale » de l’article L 442-1. II. Toutefois, pour éviter ce risque, l’entreprise étrangère a intérêt non seulement à choisir une loi applicable étrangère mais aussi à prévoir que le litige sera porté devant un juge étranger ou un tribunal arbitral.

Comment éviter la compétence des tribunaux français sur une demande en réparation basée sur la rupture brutale ?

Cocontractant intra-UE et demande en réparation basée sur la rupture brutale

La décision de la CJUE (Granarolo, 14 juillet 2016, N°C196/15) a créé une distinction entre les demandes résultant de :

  • contrats-cadres écrits ou relations contractuelles tacites (existant uniquement si les éléments de preuve énumérés par la CJUE sont identifiés par les juges nationaux c’est-à-dire la durée de la relation et les engagements reconnus à chaque partie tels que l’exclusivité, le prix ou les conditions de livraison ou de paiement, la non-concurrence, etc.) : une telle demande a une nature contractuelle selon les règles de compétence juridictionnelle en vertu du règlement CE Bruxelles I bis ;
  • de relations informelles (c’est-à-dire des commandes passées de temps à autre) : une telle demande a une nature délictuelle selon le règlement CE Bruxelles I bis.

À noter : la loi 30 mars 2023 (dite loi « Egalim III ») n’a aucun impact sur les règles de l’UE en matière de clauses attributives de compétence.

(a) Quel est le juge de la rupture brutale d’un contrat écrit ou d’une relation contractuelle tacite ?

  • Une clause attributive de compétence au profit d’un tribunal étranger sera reconnue par les tribunaux français même si c’est une clause asymétrique (Cour de cassation, 7 octobre 2015, Ebizcuss.com / Apple Sales International).
  • En cas d’absence de clause de compétence, les tribunaux français sont susceptibles d’être compétents si le demandeur français qui introduit une action basée sur une rupture brutale est le prestataire de services, tel qu’un distributeur, un agent, etc. (affaire Corman Collins CJUE, 19 12 13, C-9/12, et article 7.1.b.2 du règlement CE Bruxelles I bis).

(b) Quel est le juge de la rupture brutale d’une relation informelle ?

  • Les tribunaux français peuvent donner effet à une clause de compétence en matière délictuelle en particulier lorsqu’elle englobe expressément les litiges délictuels (Cour de cassation, 1° Ch. Civ., 18 janvier 2017, n° 15-26105, Riviera Motors / Aston Martin Lagonda Ltd).
  • En cas d’absence de clause de compétence, les tribunaux français seront compétents à l’égard d’une demande basée sur la rupture brutale en tant que juge du lieu où l’événement dommageable s’est produit (art. 7.3 de Bruxelles I bis) qui est le lieu où la rupture brutale a effet c’est-à-dire en France si la victime est une entreprise française.

co-contractant hors UE et demande en réparation basée sur la rupture brutale

La solution Granarolo ne s’appliquera pas ipso facto si une victime française introduit une demande devant les tribunaux français basée sur une rupture brutale commise par une société établie hors de l’UE. Dans les relations hors UE, les juges français pourraient continuer à ne retenir que la qualification délictuelle (comme en matière interne). Dans ce cas, les tribunaux français peuvent retenir leur compétence en se basant sur le lieu où l’événement dommageable s’est produit. Une clause de compétence peut cependant être reconnue en France même pour les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle.

Une clause de compétence au profit d’un tribunal étranger peut être reconnue en France (même pour les demandes fondées sur la responsabilité civile), à condition que cette clause de compétence soit valable en vertu d’une convention internationale bilatérale ou de la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for. Dans le cas contraire, selon la loi Egalim III, une compétence impérative pourrait être reconnue aux tribunaux français.

Arbitrage et demande en réparation basée sur la rupture brutale

Stipuler une clause d’arbitrage ad hoc ou institutionnelle est probablement la solution la plus sûre pour éviter la compétence des tribunaux français. Idéalement, la clause fixera le siège du tribunal arbitral en dehors de la France. Selon le principe de compétence-compétence des arbitres, les tribunaux français se déclarent incompétents sauf si la clause d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, quel que soit le fondement contractuel ou délictuel (cf. Cour d’appel de Paris, 5 septembre 2019, n°17/03703).

Conclusion : Les entreprises étrangères ne doivent pas laisser en suspens les questions de compétence et de droit applicable. Elles doivent négocier les clauses sans quoi la victime française d’une rupture sera en droit d’intenter une action pour rupture brutale devant les tribunaux français (voir la Partie 2 ci-dessous).

Comment maîtriser les règles françaises sur la rupture brutale ?

Lorsque le droit français s’applique, l’entreprise étrangère sera confrontée au régime juridique de l’article L442 -1.II du code de commerce sanctionnant la rupture brutale. En guise de remarque préliminaire, il est important de savoir avant tout que la mise en œuvre de la responsabilité pour rupture brutale découle du défaut de préavis ou d’un préavis trop court. Ainsi, ce régime ne prévoit pas de règle d’indemnisation automatique. En d’autres termes, dès qu’un préavis raisonnable est donné par l’auteur de la rupture, la responsabilité sur ce fondement peut être écartée.

Le prérequis pour la rupture brutale : une relation commerciale établie

Tous les contrats sont couverts par ce régime juridique à l’exception des contrats dont la réglementation prévoit un préavis spécifique (comme les contrats d’agence commerciale et les contrats de sous-traitance de transport de marchandises par route).

En premier lieu, il doit exister une relation pouvant être prouvée par un contrat écrit ou de facto par le comportement des parties. L’article L.442-1 II du code de commerce couvre toutes les relations « commerciales » et pas seulement les « relation contractuelles », de sorte que cette relation peut être fondée sur une succession de contrats tacitement renouvelés ou un flux régulier d’affaires matérialisé par de multiples commandes ce qui a été récemment rappelé par la Cour de cassation (Cass. com., 16 février 2022, n° 20-18.844).

En second lieu, cette relation doit avoir un caractère établi. Il n’y a pas de définition juridique mais cette notion a été définie année après année par la jurisprudence qui a posé un critère objectif (a) et un critère plus subjectif (b).

(a) Le critère objectif implique une relation suffisamment longue, régulière et significative entre les deux parties. La durée de la relation est le critère le plus important. La relation doit également être régulière, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir été interrompue (trop souvent ou trop longtemps). La relation doit enfin être significative et représenter un flux d’affaires sérieux entre les parties, en volume ou en valeur.

(b) Le critère subjectif se concentre principalement sur la croyance légitime de la victime de la rupture dans la continuation du contrat / de la relation qui est basée sur des éléments factuels tels que les demandes d’investissement, les budgets sur plusieurs années, etc. En revanche, c’est sur la base de la constatation d’un manque de croyance légitime dans un avenir proche que la partie qui rompt la relation peut prouver l’absence de caractère stable lorsqu’elle a par exemple recouru, à plusieurs reprises, à un appel d’offres (sauf s’il s’agit d’une ruse).

Anticiper une réclamation pour rupture brutale

(a) La rupture peut être totale ou partielle

La rupture totale se matérialise par un arrêt complet des relations, par exemple, la fin du contrat, l’arrêt de l’envoi de commandes par l’acheteur ou l’enregistrement de commandes par le fournisseur.

La Cour de cassation a récemment rappelé qu’une baisse significative des ventes avec un partenaire doit être considérée comme une rupture partielle de la relation (16 février 2022, n° 20-18.844, cité ci-dessus). Mais la situation la plus compliquée à gérer est la rupture partielle déduite d’une modification d’éléments qui impacte partiellement (mais substantiellement) la relation mais ne la réduit pas à néant (par exemple : une augmentation ou une diminution des prix, un changement des conditions de paiement ou de livraison).

(b) La rupture doit être soumise à un préavis écrit et raisonnable

Le préavis doit être notifié par écrit. L’absence de préavis écrit constitue déjà une rupture en soi. La notification doit clairement refléter la volonté d’une partie de rompre la relation en tout ou en partie. La notification doit également indiquer la date à laquelle la relation prendra fin.

Ainsi, une ambiguïté sur la période de préavis (par exemple si la résiliation d’un accord est notifiée, tout en proposant de maintenir certains prix et conditions de paiement) est considérée comme un préavis insuffisant (Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-23.676).

Les parties doivent distinguer entre la lettre de mise en demeure pour manquement et la notification subséquente de la rupture avec mise en demeure (le cas échéant). Pendant la période de préavis, les parties doivent se conformer pleinement à toutes leurs obligations contractuelles.

Ce principe s’applique également aux contrats de distribution soumis à des règles françaises spécifiques imposant des obligations de négociation annuelles ou pluriannuelles. En effet, la Cour de cassation a jugé que « lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties sont soumises à une négociation annuelle, les modifications apportées pendant la période de préavis qui ne sont pas d’une importance telle qu’elles en compromettent son efficacité ne constituent pas une rupture brutale de cette relation » (Cass. com., 7 décembre 2022, n° 19-22.538).

Cependant, le fait de ne pas mentionner les raisons pour lesquelles la relation commerciale est rompue n’est pas une faute ou un manquement à la relation. En effet, les tribunaux français considèrent que « le fait que le motif invoqué pour mettre fin à la relation commerciale soit faux n’empêche nullement la partie de mettre fin à la relation commerciale » (Cour d’appel de Versailles, 10 juin 1999).

La durée du préavis à respecter n’est pas définie par la loi française qui n’a pas établi de règle précise jusqu’à la réforme de 2019. Bien que plusieurs critères soient énoncés par la jurisprudence, le critère le plus important est la durée de la relation. Les juges prennent également en compte la part du chiffre d’affaires réalisé par la victime, l’existence ou non d’une exclusivité territoriale, la nature des produits et le secteur d’activité, l’importance des investissements réalisés par la victime notamment pour la relation en question et enfin l’état de dépendance économique. La dépendance économique est définie comme l’impossibilité pour une entreprise d’avoir une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a établies avec une autre entreprise. La jurisprudence considère cela comme un facteur aggravant justifiant un préavis de rupture plus long.

Le délai de préavis minimum doit être notifié au moment de la notification de la rupture. Par conséquent, les événements qui affectent la victime après la notification, tant positivement (conclusion d’un nouveau contrat) que négativement (perte d’un autre client), ne seront pas pris en compte par le juge lors de l’évaluation de la « brutalité » de la rupture.

La durée du préavis donné par les juges est très variable. L’appréciation du préavis se fait au cas par cas. Il est très difficile de donner une règle d’or même si grosso modo pour chaque année de relation un mois de préavis peut être dû (à moduler à la hausse ou à la baisse en fonction des autres critères de la relation). À titre d’illustration, on peut citer quelques jurisprudences :

  • Cour d’appel de Paris, le 9 février 2022 : relation de 16 ans avec un préavis de 15 mois ;
  • Cour d’appel de Paris, le 20 janvier 2022 : relation de 12 ans avec un préavis de 8 mois ;
  • Cour d’appel de Paris, le 25 octobre 2022 : relation de 16 ans avec un préavis de 18 mois ;
  • Cour d’appel de Paris, le 23 février 2022 : relation de 17 ans avec un préavis de 11 mois ;
  • Cour d’appel de Paris, le 21 septembre 2022 : relation de 5 ans avec un préavis de 14 mois.

Depuis l’ordonnance du 24 avril 2019 qui limite à 18 mois maximum la durée du préavis raisonnable, si le préavis accordé par une partie est de 18 mois, elle ne peut être tenue responsable d’une rupture brutale. Mais une grande partie du contentieux reste incertaine car seules les relations d’une longévité exceptionnelle ou particulièrement sensibles conduisaient, avant 2019, à l’attribution d’un préavis supérieur à 18 mois.

Les juges ne sont pas liés par les préavis contractuels stipulés dans le contrat mais si l’auteur de la rupture viole également les conditions de rupture prévues par le contrat, la victime peut rechercher la responsabilité de l’auteur tant sur la base de la rupture brutale que sur le fondement de la violation d’une obligation contractuelle.

Cas où la rupture brutale est écartée

La loi prévoit deux cas et la jurisprudence semble en avoir imposé d’autres.

(a) Les deux exceptions légales sont la force majeure (très rarement consacrée par les tribunaux) et la faute de la victime de la rupture, la jurisprudence ayant ajouté qu’il doit s’agir d’une violation grave d’un engagement contractuel ou d’une disposition légale (comme le non-respect d’une exclusivité, d’une clause de non-concurrence, de confidentialité ou de changement de contrôle, ou le non-paiement de montants dus contractuellement).

Les juges ne se considèrent pas liés par la définition de la faute grave prévue par les parties. En tout état de cause, la partie qui résilie pour faute grave doit clairement le notifier dans sa lettre de résiliation. La faute grave entraîne un défaut de préavis donc si la partie qui résilie allègue une faute grave mais accorde un préavis, quel qu’il soit, les juges peuvent conclure que la faute n’était pas suffisamment grave. Cependant, la Cour de cassation a pu considérer que « même en cas de faute grave justifiant la rupture immédiate de la relation commerciale, l’autre partie reste libre de donner à l’autre partie un préavis » (Cass. Com., 14 octobre 2020, n°18-22.119).

La gravité de la faute doit être motivée par les juges dans leurs décisions. Dès lors, constater que le contrat a été rompu après deux mises en demeure n’est pas suffisant (Cass. com., 16 février 2022, n° 20-18.844).

(b) Ces dernières années, la jurisprudence a ajouté d’autres cas d’exonération de responsabilité. C’est le cas lorsque la rupture est la conséquence d’une cause extérieure à l’auteur de la rupture, telle que la crise économique, la perte de ses propres clients ou fournisseurs, en amont ou en aval.

Par exemple, en 2021, la Cour de cassation a jugé que « le partenaire commercial n’a pas droit à une relation inchangée et ne peut refuser toute adaptation requise par les changements économiques » (Cass. com., 01 décembre 2021, n°20-19.113). En effet, pour être imputable à un acteur économique, la rupture doit être libre et délibérée ce qui n’est pas le cas si la rupture est due à une situation économique.

En revanche, l’ajout d’une clause d’exonération de responsabilité dans un contrat visant à renoncer à échapper aux sanctions de l’article L. 442-1.II est sans conséquence sur l’appréciation du juge.

Les juges ont également exclu la rupture brutale dans l’hypothèse de la fin de la première période d’un contrat à durée déterminée, quelle que soit sa durée : le premier renouvellement d’un contrat constitue un événement prévisible pour la victime de la rupture ce qui exclut la notion même de brutalité mais dès lors que le contrat a été renouvelé au moins une fois, les juges peuvent ensuite caractériser la croyance légitime de la victime en un nouveau renouvellement tacite.

Indemnisation en cas de rupture brutale

Les juges n’indemnisent que les conséquences préjudiciables de la brutalité même de la rupture mais n’indemnisent pas, du moins dans le cadre de l’article L442-1.II, les conséquences de la rupture elle-même.

La règle de base est très simple : il est nécessaire de déterminer la durée du préavis qui aurait dû être accordé, de laquelle on déduit le préavis réellement accordé. Ce préavis net est multiplié par la marge mensuelle brute moyenne de la victime ou plus souvent la « marge sur coûts variables » (i.e. : le chiffre d’affaires moins les coûts disparaissant avec l’inexécution du contrat/de la relation). Le défendeur ne doit pas hésiter à demander les preuves comptables complètes en particulier pour identifier les taux de marge (inférieurs) ou même une expertise judiciaire sur ces éléments comptables. En général, l’assiette de la marge mensuelle moyenne est constituée des 24 ou 36 derniers mois.

L’indemnisation calculée sur la marge moyenne est, en général, exclusive de toute autre indemnité. Cependant, la victime peut prouver qu’elle a subi d’autres pertes consécutives à la brutalité de la rupture, telles que les licenciements directement causés par cette brutalité ou la dépréciation des investissements récemment réalisés par la victime.

Quelques conseils pratiques pour anticiper la rupture brutale

Bien que le régime juridique reste ambigu et la jurisprudence terriblement casuistique, ce qui empêche de dégager des lignes directrices solides, voici quelques conseils pratiques lorsqu’une entreprise envisage de mettre fin à une relation/contrat :

  • dans le cas d’un contrat à durée déterminée renouvelable par tacite reconduction, la notification du non-renouvellement doit être anticipée bien avant le début du préavis contractuel afin d’éviter de se retrouver dans une situation où il est nécessaire de choisir entre ne pas renouveler le contrat avec un préavis insuffisant ou accepter de voir le contrat renouvelé lui-même pour une nouvelle période ;
  • les équipes commerciales doivent être sensibilisées au risque de rupture brutale partielle lorsqu’elles modifient trop radicalement les conditions d’exécution d’une relation/contrat commercial ;
  • dans certains cas, il peut être utile d’envoyer un préavis de rupture avec une « proposition de préavis » afin de tenter de valider ce préavis avec l’autre partie ;
  • il peut également être utile, dans certaines relations, de notifier la fin de la relation avec des durées de préavis différentes en fonction de la nature des lignes de produits ;
  • Enfin, le meilleur moyen est de conclure un protocole de fin de relation fixant la durée du préavis ainsi que, le cas échéant, la baisse progressive des commandes, le tout dans le cadre d’un accord transactionnel par lequel les parties renoncent définitivement à toute réclamation y compris en cas de rupture brutale.

Le régime de la rupture brutale doit être pris en considération lors de l’entrée dans la phase finale d’une relation de longue durée : la manière dont le contrat (ou la relation de fait) est résilié doit être soigneusement planifiée afin de gérer le risque de causer des dommages au cocontractant et d’être poursuivi en réparation.

Les PFAS sont des produits chimiques utilisés depuis plus de 50 ans dans l’industrie. Ils seraient entre 4000 et 5000 variétés, utilisés pour diverses applications de consommation courante, et sont reconnus pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, et résistantes aux fortes chaleurs. Ils font l’objet d’une attention depuis quelques années, et sont visés par la réglementation Européenne, comme aux USA, où les pouvoirs publics ont imposé des valeurs d’utilisation maximum, de même que des obligations déclaratives. Le Règlement UE 2019/ 1021 (POP) restreint la production et l’utilisation de certaines catégories de PFAS dans certaines industries ou au-delà de certaines valeurs, de même que leur usage avec des produits alimentaires. La France a été plus loin, en réglementant les niveaux de rejets dans les cours d’eau.

Les recherches scientifiques suspectent en effet les PFAS comme étant cause de maladies, tels que cancers, troubles de la reproduction, l’enjeu étant de nature à poser d’importants problèmes de santé publique dans les années à venir, en raison de l’importance de la contamination non seulement dans les produits d’usage quotidien, mais également dans l’environnement, et plus particulièrement les cours d’eau. Cette préoccupation est d’autant plus prégnante que les PFAS sont considérés comme des « polluants éternels » dans la mesure où il n’existe, à l’heure actuelle, aucun moyen de les éliminer de l’environnement.

Les impacts sur la responsabilité des entreprises et de leurs assureurs sont déjà importants. Aux USA, plus de 6000 procès ont été engagés depuis 2005. Trois groupes ont déjà payé plus de 1,2 Milliards USD de transaction en raison des contaminations, un autre groupe ayant payé plus de 10 Milliards USD pour mettre fin à une action de groupe.

En France, la Métropole de Lyon a engagé une action en référé expertise contre deux entreprises de chimie, avant d’envisager d’engager une action en responsabilité.  En sus de ceci, plusieurs plaintes pénales ont été déposées pour mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement.

La responsabilité des entreprises et de leurs assureurs pourrait être engagée, en droit français, sur divers fondements juridiques. Outre le droit commun de la responsabilité civile – basé sur l’article 1240 du Code civil – le régime spéciale de la responsabilité des produits défectueux pourrait aussi servir de base à une action en responsabilité (articles 1245 et suivants du Code civil), le droit français définissant le défaut comme tout produit n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

S’il est difficile, à l’heure actuelle, d’identifier un lien de causalité avec une maladie identifiée, la jurisprudence en lien avec l’amiante a montré, par le passé, que la victime dispose d’une action dès lors qu’elle peut démontrer un préjudice d’anxiété, liée à l’importance de son exposition au produit, même si elle n’est pas affectée d’une maladie au jour de sa demande.

En outre, les obligations déclaratives imposées par les pouvoirs publics permettront certainement l’introduction d’actions en responsabilité, en facilitant l’identification des émetteurs et utilisateurs de ces polluants.

Les assureurs sont directement concernés par ce phénomène, qui constitue alors pour eux un risque « émergent » (« silent cover ») car pour la plupart, ce risque n’était pas identifié lors de la souscription de la police, ce qui les expose directement, et est d’autant plus problématique que les primes d’assurances n’ont pas pu prendre en compte un tel risque. Les polices d’assurance de responsabilité civile ou professionnelle, surtout si elles sont rédigées avec des clauses « tous risques sauf » (c’est-à-dire couvrant tous les risques de responsabilité vis-à-vis des tiers sauf ceux strictement listés), de même que celles comportant des clauses liées aux risques environnementaux, sont particulièrement visées.

Les Lloyd’s ont déjà publié des modèles de clauses d’exclusion à l’attention des assureurs, de telles clauses ne pouvant évidemment couvrir que les futurs contrats ou avenants d’assurance :

https://www.lmalloyds.com/LMA_Bulletins/LMA23-039-SD.aspx

Les clauses contenues dans les polices d’assurances devront être rédigées avec un soin particulier, et tenir compte des spécificités de chaque Etat. En France, par exemple, pour être opposables à l’assuré, les clauses doivent être « formelles et limitées », ce qui veut dire que l’exclusion doit être à la fois clairement exprimée et qu’il doit être possible de déterminer parfaitement son contenu. A titre d’exemple, la Cour de cassation a récemment considéré que l’utilisation des termes « tels que » ou « notamment » (Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.435) entraînaient une confusion dans l’interprétation de la clause d’exclusion, la rendant invalide.  Un débat a d’ailleurs pu avoir lieu sur la question de la validité d’une clause d’exclusion portant sur les dommages corporels causés par l’amiante, risque qui à l’époque n’avait pas été identifié par les assureurs, qui avaient par la suite procédé à son exclusion de la plupart des contrats (Cass. 2e civ., 21 sept. 2023, n° 21-19801 et 21-19776). De même, les polices devraient clairement indiquer si la garantie est acquise en base fait dommageable ou en bas réclamation.

Une chose est certaine : les risques liés aux PFAS, les réclamations ne font que commencer, en Europe, où au demeurant les conditions des actions de groupe ont récemment fait l’objet d’un élargissement, avec la Directive UE 2020/1828 qui est entrée en vigueur le 25 juin 2023, qui fait l’objet actuellement d’une proposition de loi en discussion au parlement français en vue de sa transposition.

Comment les contrats d’agence sont-ils réglementés en France?

En France, pour maîtriser les règles applicables aux contrats d’agent commercial, il faut savoir que l’activité d’agent peut relever de deux réglementations distinctes, l’une plutôt protectrice de l’agent, l’autre plus souple.

D’une part, il y a l’agent commercial stricto sensu (« agent commercial »), ou agent commercial statutaire, qui doit répondre à une définition légale précise afin de bénéficier d’un régime protecteur fixé par les articles L.134-1 à L.134-17 du Code de commerce. Ces articles résultent de la loi du 25 juin 1991 transposant les dispositions de la Directive européenne n°86/653 du 18 décembre 1986 sur les agents commerciaux. Ces articles fournissent un cadre juridique assez bien défini. En droit interne français, de nombreuses dispositions sont d’ordre public interne, en ce sens que le mandant et l’agent ne peuvent y déroger; la question est plus délicate dans le cas d’un contrat international (voir § 4. C ci-dessous).

D’autre part, il y a le mandataire d’intérêt commun qui relève essentiellement des dispositions du Code civil applicables au mandat (art. 1984 et suivants du Code civil) complétées par la jurisprudence. Le cadre juridique de l’activité des mandataires d’intérêt commun est beaucoup plus souple, voire flou, car il renvoie à des règles générales. En outre, la plupart de ces règles ne sont pas d’ordre public; par conséquent, le contrat d’agent d’intérêt commun peut y déroger.

Le point commun entre ces deux formes de régime juridique réside dans le fait que l’agent commercial et l’agent d’intérêt commun sont tous deux des mandataires qui représentent leurs cocontractants (le mandant). Ils agissent tous deux au nom et pour le compte du mandant dans la mesure où ils se présentent officiellement comme le représentant du mandant et où leurs actions lient le mandant.

D’une manière générale, lorsqu’un agent agit au nom et pour le compte d’une société et que son contrat ou son activité ne peut être analysé comme un « agent commercial » parce qu’il ne remplit pas les conditions fixées par la loi, les juges lui reconnaissent au moins la qualité de « mandataire d’intérêt commun » (à moins qu’il ne relève d’une autre catégorie juridique exposée au point 2.a ci-dessous). L’exposé qui suit distinguera, le cas échéant, les règles applicables à l’agent d’intérêt commun et à l’agent commercial. Il faut également savoir que le mot anglais « agent » recouvre à la fois un terme générique qui renvoie à la catégorie générale du mandat (« mandataire ») et un statut spécifique (« agent commercial ») abrégé en anglais; les opérateurs internationaux doivent donc être prudents dans l’utilisation de ce mot.

Quelles sont les différences avec les autres intermédiaires?

Lorsqu’un opérateur commercial envisage de recourir aux services d’un intermédiaire (terme volontairement neutre ou générique), il ne doit pas contracter ipso facto avec un agent commercial. En effet, économiquement ou pratiquement, un intermédiaire peut avoir des missions différentes et les exercer dans des conditions différentes. Plusieurs schémas contractuels s’offrent donc à ce professionnel, qu’il convient de bien distinguer du statut de l’agent commercial afin d’éviter que le contrat d’agent commercial ne soit requalifié, ce qui aurait pour effet de créer une insécurité juridique pour les deux parties, voire de les exposer à de nouvelles obligations ou responsabilités.

Contrats alternatifs aux contrats d’agence commerciale

Indépendamment de la distinction fine entre agent commercial et agent d’intérêt commun (qui sera évoquée au § b. ci-dessous), il est possible de contracter avec un courtier, un commissionnaire, un employé ou un prestataire de services. Ces quatre catégories sont plus particulièrement abordées ci-dessous car elles peuvent remplir, économiquement ou pratiquement, des missions proches et donc créer une confusion quant à l’application d’un statut particulier. Le risque de confusion est moindre avec les contrats de distribution ou de franchise car les premiers impliquent clairement l’achat et la revente de produits, matérialisés au moins par des factures d’achat et de revente, et les seconds impliquent généralement la mise à disposition d’un savoir-faire et de signes distinctifs.

Le contrat de courtage

Le courtier (ou apporteur d’affaires) n’est pas un agent en ce sens qu’il ne représente pas son cocontractant. Son rôle consiste principalement à mettre en relation un vendeur et un acheteur, en leur laissant le soin de négocier tous les termes de leur éventuel contrat. Le courtier n’intervient pas, en principe, dans la négociation (mais ce n’est pas interdit) et il est généralement rémunéré non pas sur le résultat de la négociation mais sur l’entrée en négociation. Le contrat de courtage est très peu réglementé par la loi (sauf dans certains secteurs économiques très spécifiques) et les droits et obligations des parties sont donc régis par les dispositions du contrat et les usages du secteur dans lequel elles opèrent. La loi n’impose pas le paiement d’une indemnité au courtier à la fin de son contrat.

Le contrat de commissionnaire

Le commissionnaire n’est pas un véritable agent en ce sens que s’il agit pour le compte de son commettant, il agit à l’égard des tiers sous son propre nom. En d’autres termes, en amont, il est considéré comme un mandataire dans ses relations avec son commettant, et à ce titre il doit respecter les instructions de ce dernier et il n’achète pas les produits qui lui sont simplement confiés, et en aval, sur le marché, il prétend être un distributeur vendant des produits sous son propre nom (mais en fait selon les instructions et les prix communiqués par son commettant). Ce contrat a donc une nature double. En fin de contrat, le commissionnaire n’a pas droit à une indemnité, contrairement au mandataire d’intérêt commun ou à l’agent commercial (une des explications réside dans le fait que les clients sont ses clients et non ceux du commettant).

Ce schéma contractuel peut être intéressant lorsqu’un opérateur commercial souhaite développer un réseau de vente en s’appuyant sur des points de vente gérés par des indépendants mais qui doivent respecter de nombreuses instructions reçues de leur mandant, notamment en termes de prix. Certains réseaux dits « de franchise » adoptent ce schéma (appelé alors « commission-affiliation »).

Le contrat de travail

La promotion des produits et services d’un opérateur commercial peut également se faire par l’intermédiaire d’un salarié de cet opérateur. Ce dernier peut alors conclure soit un contrat de travail classique avec un salarié qui sera itinérant (par exemple responsable d’une région), soit un contrat de travail spécifiquement dédié au démarchage de clientèle (dit « VRP »). Dans les deux cas, le salarié sera protégé par le droit du travail dont les dispositions sont très largement d’ordre public, il percevra un salaire sur lequel l’employeur devra payer des charges sociales. L’employeur ne pourra mettre fin au contrat que selon une procédure et des conditions précises et devra payer le cas échéant des indemnités de licenciement.

La distinction entre un contrat d’agence et un contrat de travail est fondamentale pour empêcher l’agent de revendiquer (généralement à la fin du contrat) le statut plus protecteur d’un salarié. En conséquence, le mandant doit, entre autres, éviter de placer son agent, personne physique, voire société unipersonnelle, dans une position de subordination, c’est-à-dire en contrôlant trop strictement son activité et en évitant d’exercer une sanction disciplinaire à son encontre.

Le contrat de prestation de services

Dans certains cas, le contenu de la mission de promotion est couvert par un contrat de prestation de services. Ainsi, par exemple, lorsqu’un laboratoire pharmaceutique fait appel à une force de vente externalisée (gérée par une autre entreprise) pour promouvoir ses spécialités pharmaceutiques auprès des médecins, la mission de mise en avant des produits auprès de tiers qui ne sont pas des acheteurs potentiels mais des prescripteurs, ne relève pas d’un contrat d’agence commerciale mais d’un contrat de prestation de services promotionnels. Il en est de même si les seules missions envisagées par l’opérateur commercial sont par exemple une étude de marché, une assistance à la réponse aux appels d’offres, le suivi technique des commandes ou des expéditions, la gestion d’un stock tampon ou des réclamations des clients ou des opérations de maintenance. Le contenu de la prestation doit être très clairement identifié et le prix, généralement forfaitaire, doit être précisément stipulé. En général, ces contrats sont régis par les dispositions du Code civil relatives aux contrats d’entreprise (ou louage d’ouvrage). Sauf stipulation dans le contrat, il n’y a pas d’indemnité à payer à la fin de la prestation.

La frontière entre le contrat de prestation de services et la mission confiée à un agent est souvent assez ténue, dans la mesure où un agent peut se voir confier tout ou partie de ces services en plus de sa mission centrale de prospection, de négociation et de conclusion de contrats au nom et pour le compte de son mandant. Dans certains cas, il peut être fortement conseillé de scinder les deux contrats pour conclure un contrat d’agent commercial pur où l’agent est rémunéré uniquement pour son activité de démarchage et un contrat de service où il est rémunéré pour des prestations accessoires (ceci peut notamment avoir un impact fondamental sur la détermination de l’assiette de l’indemnité due à l’agent commercial à l’issue de son contrat).

Principales caractéristiques d’un agent commercial

L’agent commercial est défini en droit français comme le mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de travail, est chargé de façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats de vente ou de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux (art. L.134.1). En cas de contestation du statut de l’agent, le juge vérifiera donc si toutes les conditions prévues par cet article sont réunies.

  • Tout d’abord, l’agent commercial est indépendant. Il maîtrise son organisation et les moyens techniques et humains qu’il met en œuvre. Il organise comme il l’entend son temps de travail et choisit comme il l’entend ses clients, qui sont ses mandants (sous réserve de respecter ses engagements de non-concurrence). En tant qu’indépendant, l’agent commercial peut également employer des sous-agents, qui sont rémunérés par lui et qui peuvent avoir également le statut d’agent commercial.
  • Deuxièmement, l’agent commercial est également un mandataire chargé d’un mandat, mais un mandataire un peu particulier. Comme tout mandataire, il agit au nom et pour le compte de son mandant. Mais en tant qu’agent commercial statutaire, il doit rechercher activement des clients, négocier avec eux et, éventuellement, conclure avec eux.

Cependant, pendant une décennie, la jurisprudence française a eu l’habitude d’exclure du statut d’agent commercial, l’agent qui se contentait de présenter les tarifs et les produits de son mandant mais qui n’avait pas la capacité de négocier librement les prix et les principales conditions des contrats de vente et/ou de les conclure librement. Ainsi, en présence d’une clause excluant toute possibilité pour l’agent de négocier et de conclure des contrats, la qualification d’agent commercial ne pouvait être reconnue (et en général le contrat était requalifié en contrat de mandat d’intérêt commun).

Mais, dans un arrêt du 4 juin 2020, la CJUE, saisie par le tribunal de commerce de Paris d’une question préjudicielle sur la compatibilité de la définition française de l’agent commercial avec la définition posée par la Directive de 1986, a écarté cette définition stricte de la « négociation » et a ajouté que la notion de négociation ne peut être comprise selon le prisme restrictif adopté par les juges français. La définition de la notion de « négociation » doit non seulement prendre en compte le rôle économique attendu d’un tel intermédiaire (la négociation étant une notion très large) mais aussi préserver les objectifs de la Directive de 1986 consistant principalement à assurer la protection de ce type d’intermédiaire. La CJUE a ensuite considéré qu’une personne ne doit pas nécessairement avoir le pouvoir de modifier les prix des biens qu’elle promeut pour être qualifiée d’agent commercial (voir notre article sur le blog Legalmondo).

En conséquence, la Cour de cassation s’est alignée (Cass. Com., 2 déc. 2020, 18-20.231) sur la jurisprudence européenne en considérant qu’ « un agent commercial doit désormais être qualifié d’agent commercial s’il (…) est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats (…) au nom et pour le compte de (…) alors qu’il n’a pas le pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ».

L’article L.134-15 du Code de commerce prévoit un seul cas dans lequel le statut protecteur de l’agence commerciale peut être écarté même en présence d’un agent commercial. Lorsque l’activité d’agent commercial est exercée en exécution d’un contrat écrit passé entre les parties à titre principal pour un autre objet (ou activité, par ex. un contrat de distribution), ce contrat peut expressément écarter les dispositions protectrices du statut d’agent commercial (à condition que l’activité d’agent commercial ne soit pas effectivement exercée à titre principal ou déterminant).

Enfin, il convient d’ajouter que certaines activités sont exclues du statut d’agent commercial, comme les agents d’assurance, les agents immobiliers ou les agents de voyage. Mais les intermédiaires collaborant à titre indépendant avec des agents immobiliers peuvent bénéficier du statut d’agent commercial.

Comment désigner un agent en France?

Le contrat

Le contrat d’agent commercial ou le contrat d’intérêt commun est un contrat consensuel. Il peut être formé par écrit ou oralement. Le contrat peut être formalisé par un simple échange de lettres. A défaut d’écrit, la preuve d’une convention est admise par tous moyens notamment par des factures de commissions ou par une preuve rapportée par des tiers. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’article L.134-2 du Code de commerce n’impose pas un écrit mais prévoit simplement que chaque partie peut exiger de l’autre un écrit formalisant leur relation. L’absence d’écrit n’empêche pas l’application de la protection prévue aux articles L.134-1 et suivants du Code de commerce.

Le contrat d’agent commercial ou le contrat de mandat d’intérêt commun n’a pas à être enregistré.

L’agent

L’agent commercial a l’obligation de s’inscrire au registre spécial des agents commerciaux (« RSAC ») tenu au greffe du tribunal de commerce. Cette obligation s’impose à l’agent commercial domicilié en France, personne physique ou morale, de nationalité française ou étrangère. Toutefois, cette obligation ne s’impose pas aux agents commerciaux établis hors de France qui ont une mission temporaire ou occasionnelle en France.

L’obligation d’immatriculation est sans incidence sur la validité du contrat d’agent commercial. En d’autres termes, un agent commercial non inscrit au RSAC peut toujours prétendre au bénéfice du statut protecteur des agents commerciaux. En revanche, rien n’interdit au mandant de stipuler que l’immatriculation est une condition suspensive (ou résolutoire) de l’efficacité du contrat d’agent commercial. Le défaut d’immatriculation n’est pas sanctionné civilement mais peut simplement faire l’objet d’une amende pénale. L’agent commercial a l’obligation de mentionner son numéro d’immatriculation au RSAC sur tous ses documents commerciaux (sous peine d’amende).

Le mandataire d’intérêt commun n’a pas l’obligation de s’inscrire au RSAC.

Comment l’exclusivité accordée à l’agent est-elle réglementée en France?

L’exclusivité peut être accordée par le mandant en ce qui concerne une zone géographique et/ou un type de clientèle. Dans ce cas, le mandant (i) ne peut pas mandater un autre agent pour la même zone et/ou catégorie de clients et (ii) devra payer des commissions à l’agent pour toutes les ventes conclues par le mandant avec des clients appartenant à la zone/catégorie exclusive, même si la transaction a été effectuée sans l’intervention de l’agent.

L’agent a-t-il droit à des commissions sur les ventes en ligne effectuées par un mandant à des clients du territoire de l’agent?

A défaut d’aménagement conventionnel, l’agent commercial a droit à une commission dans les cas suivants:

  • si l’opération commerciale ait été conclue grâce à son intervention, ou
  • sans avoir à prouver son intervention dans l’opération si une exclusivité est accordée à l’agent, ou
  • si aucune exclusivité territoriale n’a été accordée, mais que l’agent commercial est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes particulier (ce qui est presque toujours le cas), il a également droit à une commission pour toute transaction conclue avec un client appartenant à ce groupe ou à ce secteur géographique, sans avoir à fournir la preuve de son intervention (article L.134-6).

Ces règles n’étant pas d’ordre public, elles peuventt être écartées par le contrat.

À quelles conditions l’agent peut-il être lié par une clause de non-concurrence pendant et après la fin du contrat d’agence?

Engagement de non-concurrence pendant le contrat d’agence

Même si le contrat ne le prévoit pas expressément, l’agent commercial a l’obligation légale d’obtenir l’accord préalable du mandant pour représenter un concurrent (cette obligation peut bien sûr être expressément écartée par le contrat). Cela étant, il est hautement préférable de définir quels sont les concurrents ou quels sont les produits concurrents (principe de substituabilité fonctionnelle). Le principe de loyauté inhérent à l’agent lui interdit également d’exercer une activité personnelle concurrente même si celle-ci n’est pas expressément interdite dans le contrat.

Engagement de non-concurrence après la fin du contrat d’agence

Le contrat d’agent commercial peut stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle mais celle-ci, pour être valable, doit être limitée (i) au même secteur géographique (ou au groupe de personnes) confié à l’agent (ii) ainsi qu’au type de biens et services prévus dans le contrat et (iii) à deux ans maximum. Il n’est donc pas possible de stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle ayant un champ d’application plus large que celui du contrat d’agent commercial. A défaut, elle sera considérée comme nulle. Mais même dans ces limites maximales, les tribunaux français contrôlent en plus le principe de proportionnalité de l’engagement pour vérifier si cette clause n’a pas pour effet d’empêcher un ex-agent d’exercer toute activité professionnelle. Aucune compensation financière n’est exigée par la loi.

Droit applicable au contrat d’agence en France

Un contrat d’agence commerciale peut être soumis à une loi étrangère, si le contrat est considéré comme international. Cette situation sera caractérisée soit lorsque l’une des deux parties est établie à l’étranger, soit lorsque le contrat est exécuté à l’étranger, même si les deux parties sont établies en France.

Un contrat peut être soumis à une loi étrangère soit en raison du choix effectué par les parties, soit, à défaut de choix, en raison de la détermination faite par le juge. Cela pose d’emblée l’importance de la clause de compétence et du lien étroit entre la compétence internationale et la loi nationale applicable. Sachant que les règles de conflit de lois sont celles appliquées par le juge compétent (ici le juge français), ce dernier appliquera le Règlement CE Rome I sur la loi applicable aux contrats (17 juin 2008, n° 593/2008) ainsi que la Convention de La Haye sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires (14 mars 1978).

Le choix d’une loi étrangère par les parties

Qu’il s’agisse de la Convention de La Haye (art. 5) ou du Règlement CE Rome I (art. 3), le juge français doit respecter le choix de la loi par les parties, qu’il soit exprès ou implicite.

La détermination de la loi applicable par le juge, à défaut de choix par les parties

Les règles de conflit de lois imposées par la Convention de La Haye et le Règlement Rome I sont assez similaires:

  • Selon la Convention de La Haye (art. 6): à défaut de choix des parties, la loi déterminée par le juge sera celle de l’État dans lequel l’agent est établi lors de la conclusion du contrat. Toutefois, c’est la loi du pays dans lequel la mission doit être exécutée qui sera applicable si le mandant a son domicile dans ce pays.
  • Selon le règlement Rome I: à défaut de choix des parties, la loi déterminée par le juge sera celle de l’État dans lequel l’agent a son domicile ou sa résidence habituelle, que ce soit en vertu de l’art. 4 § 2 (règle générale) ou de l’art. 4, §1.b (règle spéciale si le contrat d’agent est assimilé à un contrat de service au sens du Règlement Rome I).

Interférence possible des lois de police françaises

Même si le juge français est obligé d’appliquer la loi étrangère déterminée par les règles de conflit de lois, il doit également appliquer les lois de police françaises. En général, ces lois de police consistent en un noyau dur de règles d’ordre public interne. En d’autres termes, toutes les règles d’ordre public interne ne sont pas des lois de police au niveau international. Cette question se pose sérieusement pour les contrats d’agent commercial (et non pour les contrats de mandat d’intérêt commun), pour lesquels les tribunaux français n’ont pas la même position que la CJUE sur ce point.

La Cour de cassation juge depuis plus de vingt ans que la réglementation française sur les agents commerciaux (art. L.134-1 et suivants) n’est pas une loi de police. Cette solution s’applique aux mandants étrangers établis aussi bien en dehors de l’UE que dans l’UE.

Cette position, plutôt à l’avantage du mandant, apparaît en décalage avec les règles posées par la CJUE:

  • dans le cas d’une relation entre un agent établi dans l’UE et un mandant établi en dehors de l’UE, la CJUE a jugé que l’agent commercial qui avait saisi une juridiction d’un Etat membre de l’UE peut prétendre à la protection de la Directive de 1986, même si le contrat est soumis au droit d’un Etat non membre de l’UE (CJUE, 9/11/2000, affaire C 381/98, Ingmar);
  • en ce qui concerne une relation entre un agent basé dans l’UE et un mandant établi dans un autre Etat membre de l’UE, la CJUE a jugé que la loi d’un Etat membre qui met en œuvre la Directive de 1986, choisie par les parties, peut être écartée par la loi de police du pays du juge saisi si celui-ci constate que le législateur de son Etat a estimé « crucial » d’accorder à l’agent commercial une protection allant au-delà de celle recherchée par ladite Directive, compte tenu de la nature et de la finalité de telles dispositions impératives (CJUE, 17/11/13, affaire C 184/12, Unamar).

Il semble clair que pour les tribunaux français, la loi française qui a transposé la Directive de 1986 n’exige pas une protection spéciale allant au-delà de celles prévues par la Directive et ne peut donc pas ignorer une autre loi européenne transposant la même Directive. Toutefois, le mandant étranger aura intérêt, pour éviter tout risque d’application d’une loi de police française, non seulement à soumettre la convention à une loi étrangère mais aussi à stipuler soit une clause attributive de compétence au profit d’un juge étranger soit une clause compromissoire.

Clauses de règlement des litiges dans les contrats d’agence en France

Clause attributive de juridiction

Un contrat d’agence internationale peut stipuler une clause de compétence au profit d’une juridiction étrangère et ce, quel que soit le choix fait par les parties (y compris le tribunal d’un Etat tiers aux pays des deux parties). Dans un contrat international, la clause attributive de juridiction est valable même avec une personne physique qui n’a pas la qualité de commerçant.

Sur le plan formel, il est conseillé que les contrats d’agence commerciale internationale stipulent expressément une clause attributive de juridiction. Il est également possible de stipuler une clause de compétence asymétrique par laquelle une juridiction est déterminée comme étant exclusive pour les deux parties mais où une partie se réserve le droit de porter l’affaire devant une autre juridiction (cette clause est valable à condition que l’option soit mentionnée en faveur d’une juridiction déterminée). Il est préférable d’indiquer expressément que la compétence est accordée à titre exclusif. Il est conseillé d’inclure dans le champ d’application de la clause les litiges fondés sur la responsabilité civile délictuelle et dans le domaine du droit de la concurrence, ainsi que les hypothèses de pluralité de défendeurs, d’appel en garantie et de référé.

Les juges français respectent la clause de compétence stipulée en faveur des juridictions étrangères, même si des lois de police françaises sont potentiellement concernées.

Il convient de préciser que les règles de compétence du règlement Bruxelles I bis s’appliquent également, pour cette question spécifique, aux contrats conclus avec (ou entre) des contractants établis en dehors de l’Union européenne dès lors que la clause attribue une compétence au juge d’un état membre de l’UE.

Si les parties ne stipulent pas de clause de compétence au profit d’une juridiction déterminée, la compétence du juge saisi sera appréciée au regard des règles de compétence du pays de ce juge. En ce qui concerne la compétence du juge français, les règles déterminant la compétence internationale diffèrent selon le lieu d’établissement du cocontractant de la partie française: si le défendeur est établi dans l’UE, le juge fera application du Règlement CE Bruxelles I bis et si le défendeur n’est pas établi dans l’UE , il fera application de la convention bilatérale (ou multilatérale) concernée ou à défaut, des règles standard françaises de compétence internationale. Toutefois, les règles de compétence sont plus ou moins les mêmes: (i) le tribunal du lieu du domicile ou du siège social du défendeur et (ii) celui du lieu d’exécution du contrat d’agence.

Clause compromissoire

Un contrat d’agent international peut également stipuler une clause compromissoire, qui sera valable même si l’agent n’est pas une personne morale mais une personne physique, et même s’il n’est pas commerçant.

Les juges français reconnaissent le principe de validité des clauses d’arbitrage et déclinent leur compétence (sauf si la clause d’arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable), mais peuvent néanmoins accorder des mesures provisoires ou conservatoires, y compris un paiement partiel sur une créance invoquée par l’une des parties (« référé  provision » si en outre l’urgence est prouvée), tant que l’arbitrage n’a pas commencé. En pratique, les contrats d’agence ne prévoient pratiquement jamais de clauses d’arbitrage, qu’elles soient ad hoc ou qu’elles renvoient à un centre d’arbitrage, tel que la CCI.

Reconnaissance d’une décision judiciaire ou arbitrale rendue à l’étranger 

Un jugement rendu par un tribunal d’un autre Etat membre de l’Union européenne sera reconnu et exécuté en France, sans formalité depuis l’entrée en vigueur du Règlement CE Bruxelles I bis. Pour plus d’informations sur l’exécution et les recours possibles en vertu du Règlement CE Bruxelles I bis, voir le chapitre de guide Legalmondo « Agent Commerciaux » sur le droit communautaire (et le guide Legalmondo « exequatur des jugements et sentences arbitrales »). Il est important de rappeler à cet égard qu’au stade de l’exécution en Europe, le Règlement CE Bruxelles I bis s’applique à toute décision rendue par un autre juge de l’UE, quel que soit le fondement de sa compétence internationale (règles de l’UE ou nationales).

Un jugement rendu par un tribunal d’un Etat n’appartenant pas à l’Union européenne sera reconnu et exécuté en France dans les conditions et selon la procédure prévues par la convention bilatérale existant éventuellement avec ce pays tiers, et à défaut, selon les conditions de droit commun posées par la jurisprudence française en la matière: absence de violation d’une règle de compétence exclusive reconnue par les juridictions françaises, absence de violation de l’ordre public international de fond et de procédure et absence de fraude.

Les sentences arbitrales rendues à l’étranger sont largement reconnues et déclarées exécutoires en France. L’appel de la décision qui accorde la reconnaissance ou l’exécution n’est ouvert que dans les cas suivants: 1° Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou expirée; 2° Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ; 3° Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée; 4° Lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté; et 5° Si la reconnaissance ou l’exécution sont contraires à l’ordre public international.

Des saisies conservatoires de biens peuvent toutefois être effectuées avant l’octroi de l’exequatur.

Comment mettre fin à un contrat d’agence en France?

Un contrat d’agent commercial peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée. Si les parties poursuivent un contrat à durée déterminée qui ne comporte pas de clause de tacite reconduction, ce contrat se poursuivra pour une durée indéterminée.

Le contrat d’agence commerciale à durée indéterminée peut être résilié à tout moment, sans motif particulier. La loi sur les agents commerciaux impose un délai de préavis minimum devant être respecté: un mois pour une résiliation la première année, deux mois la deuxième année et trois mois la troisième année et les années suivantes. Le même préavis minimum doit être respecté lorsque l’une des parties à un contrat à durée déterminée notifie son opposition au renouvellement automatique.

Le non-respect d’un préavis expose la partie qui résilie à payer des dommages-intérêts en fonction de la durée du préavis non accordé. Il convient de noter que l’article L.442-1. II (ex 442-6.1 5°) du Code de commerce sanctionnant la rupture dite brutale (voir notre post sur le blog Legalmondo à ce sujet) ne s’applique pas au contrat d’agence commerciale (Cass. Com 3 avril 2012, n°11-13.527), mais s’applique au contrat de mandat d’intérêt commun dans la mesure où il n’y a pas de règle particulière de préavis applicable à ce type de contrat.

La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée qui n’est pas conforme aux termes du contrat ou qui n’est pas justifiée par une faute de l’autre partie, permettra à la victime d’obtenir des dommages et intérêts calculés sur la base du temps restant à courir jusqu’à la fin du contrat (outre l’indemnité légale de fin de contrat). Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que « la rupture du contrat d’un agent commercial, même à durée déterminée, ouvre droit à la réparation du préjudice résultant de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, alors que le caractère anticipé de cette rupture ouvre droit à la réparation du préjudice résultant de la perte des commissions jusqu’à la date prévue par la convention » (Cass.com., 23 avril 2003, n°01-15.639).

Des exemples de « justes motifs » justifiant une résiliation anticipée du contrat d’agence (par le mandant ou l’agent) selon la législation et la jurisprudence

Les tribunaux ont jugé que la résiliation anticipée d’un contrat d’agence est possible:

  • par le mandant lorsque l’agent (i) représente des produits concurrents sans l’autorisation de son mandant ou (ii) néglige de prospecter la clientèle;
  • par l’agent lorsque le mandant (i) ne paie pas la commission due ou (ii) modifie unilatéralement le taux ou la base de la commission.

Le fait de ne pas atteindre un objectif de vente peut-il être considéré comme un juste motif de résiliation?

La non-atteinte d’objectifs ou de quotas contractuels est considérée comme un manquement autorisant le mandant à résilier par anticipation un contrat à durée déterminée sans dommages et intérêts pour rupture abusive (et fortiori, résilier un contrat à durée indéterminée). Toutefois, la jurisprudence française considère que la non-atteinte de l’objectif minimum n’est pas qualifiée de « faute grave »; par conséquent, le mandant qui résilie un contrat pour non-atteinte de l’objectif minimum devra payer l’indemnité légale de fin de contrat.

Indemnité de fin de contrat pour les contrats d’agence en France

L’indemnité de fin de contrat due à l’agent est traitée différemment selon qu’il s’agit d’un agent commercial ou d’un mandataire d’intérêt commun.

Le contrat d’agence commerciale

  • Principe de l’indemnité de fin de contrat

Si le contrat est soumis au droit français, l’indemnité est imposée par l’article L.134-12 du Code de commerce (et l’art. 17.3 de la Directive de 1986). Aucune disposition contraire ne peut s’opposer au principe de cette indemnité ni en limiter par avance le montant.

L’indemnité est due à la fin du contrat (la jurisprudence ne fait pas de distinction entre la fin d’un contrat à durée indéterminée et le terme d’un contrat à durée déterminée, même si cela semble contraire au texte de la Directive de 1986). L’indemnité n’est pas due dans les cas suivants:

  • l’agent commercial a mis fin à son contrat, sauf si cette fin est justifiée par une faute préalable du mandant (ex.: non-paiement des commissions) ou est due à l’âge, l’infirmité, la maladie ou le décès de l’agent;
  • la fin du contrat est causée par une faute grave de l’agent commercial;
  • l’agent commercial a cédé son contrat – avec l’accord du mandant – à un tiers.

Il convient de noter que l’exception d’infirmité, d’âge, de maladie ou de décès ne concerne que l’agent commercial, personne physique, qui a contracté avec le mandant. Cette possibilité disparaît lorsque l’agent commercial est une société qui contracte avec le mandant.

Si l’agent commercial refuse de renouveler son contrat lorsque le mandant le lui propose, l’indemnité de fin de contrat ne sera pas due. En effet, la Cour de cassation refuse d’accorder une indemnité de fin de contrat à un agent qui refuse de renouveler son contrat lorsque le mandant le lui propose (Cass.com., 29 juin 2010, n°09-68.160).

En ce qui concerne l’indemnité de cessation d’activité des sous-agents, la CJUE a jugé que l’indemnité normalement due par l’agent à ses sous-agents pouvait être ignorée, au nom de l’équité, en particulier dans le cas où le sous-agent poursuit son activité avec le mandant. Ce principe d’équité et une lecture plus rigoureuse de la Directive de 1986 (art. 17.3) devraient également conduire à conclure qu’un agent dont le sous-agent poursuit directement la relation avec son (ancien) mandant ne peut pas inclure la part qui devrait revenir à son propre sous-agent dans la base de l’indemnité de cessation d’activité demandée au mandant.

Le droit à l’indemnité de l’agent commercial devient caduc s’il ne la réclame pas, par tout moyen (généralement par lettre recommandée avec accusé de réception), dans un délai d’un an à compter de la fin de son contrat. Ce délai de forclusion est indépendant, en droit français, de la prescription du droit d’agir en justicequi est de cinq ans à compter de la fin du contrat et qui est interrompue par une procédure judiciaire.

  • La faute grave exclut l’indemnité de rupture

La faute grave est interprétée strictement par la jurisprudence comme une faute d’une gravité telle qu’elle empêche le maintien de la relation contractuelle.

La Cour de cassation considère que la faute grave peut être:

  • le fait pour l’agent de ne pas informer le mandant de son changement d’actionnaire, ou de son changement de dirigeant;
  • la violation d’un engagement de non-concurrence;
  • le manquement à l’obligation de loyauté de l’agent (Cass.com., 29 juin 2022, n°20-13.228);
  • l’inexécution du contrat dans les règles de l’art en négligeant la prospection de la clientèle (Cass.com., 10 juillet 2007, n°06-13.975);
  • le versement d’une double commission au détriment du mandant (Cass.com. 20 septembre 2016, n°15-12.994).

Ainsi, toutes les violations d’un contrat ne sont pas automatiquement considérées comme des fautes graves. Par exemple, le non-respect d’un objectif de chiffre d’affaires généré par l’agent n’est pas en soi une faute grave, mais c’est le cas de la violation d’un engagement de non-concurrence, de l’abandon de la mission ou du dénigrement du mandant. Même si les tribunaux considèrent ne pas être liés par une définition contractuelle de la faute grave, il pourrait être utile de préciser quel manquement pourrait autoriser le mandant à résilier le contrat pour une faute dite grave.

La définition de la faute grave amène également les tribunaux à considérer que si le mandant a accordé (pour des raisons de conciliation, de respect du contrat ou de faiblesse) un préavis de résiliation, la faute à l’origine de cette résiliation peut ne pas être considérée comme une faute grave. En d’autres termes, résilier pour faute grave implique de résilier sans préavis.

Le mandant doit donc être très prudent dans la gestion de la résiliation du contrat d’agence en ce qui concerne le moment de la résiliation et sa notification.

Tout d’abord, la faute de l’agent commercial doit être invoquée par le mandant dans la lettre de rupture adressée à l’agent. La Cour de cassation (16 novembre 2022, n°21-17.423, aff. Acopal) a précisé qu’une faute grave de l’agent non mentionnée par le mandant dans sa lettre de rupture ne peut être invoquée ultérieurement pour refuser le droit à l’indemnisation. Ainsi, même la découverte, après la notification de la résiliation, d’une faute commise par l’agent ne peut priver ce dernier de son droit à indemnisation puisque c’est la lettre de résiliation qui verrouille en quelque sorte les motifs invoqués par le mandant et donc les conditions d’attribution ou de refus d’indemnisation.

En outre, la Cour de cassation a également décidé (16 novembre 2022, n° 21.10.126, aff. SBA Vins) que si l’agent notifie, le premier, la fin du contrat, en prouvant que cette fin est justifiée par une faute antérieure du mandant, son droit à l’indemnité de fin de contrat sera acquis, même si le mandant réussit ensuite à prouver que l’agent a commis une faute grave (mais le mandant aura droit à des dommages-intérêts). Cette jurisprudence donne une véritable prime tactique à celui qui prend, le premier, l’initiative formelle de notifier la fin du contrat d’agence.

  • Montant de l’indemnité de fin de contrat

Si la Directive communautaire de 1986 et l’article L. 134-12 du Code de commerce posent clairement un principe de réparation du préjudice (réellement) subi par l’agent commercial, la jurisprudence française fixe très largement le quantum de la réparation à un montant quasi forfaitaire de deux années de la rémunération brute versée à l’agent calculée sur la moyenne des 36 derniers mois précédant la fin effective du contrat, sans exiger de l’agent qu’il prouve la réalité de son préjudice, ni le lien de causalité entre la fin du contrat et son préjudice. Si le contrat a duré moins de deux ans, l’indemnisation sera prorata temporis.

L’assiette de l’indemnisation est constituée par l’ensemble des sommes versées à l’agent, y compris la rémunération des services accessoires (et même le remboursement des frais). La jurisprudence ne distingue pas non plus traditionnellement entre les commissions versées pour des opérations avec des clients préexistants et celles qui n’existaient pas; mais il pourrait être judicieux d’annexer au contrat la liste des clients préexistants et leur chiffre d’affaires pour caractériser une éventuelle défaillance de l’agent. En effet, il semble que certains tribunaux ne veuillent pas s’en tenir à ce forfait de deux ans et veuillent évaluer le préjudice réel subi par l’agent. Ainsi, une Cour d’appel a jugé que « l’indemnité de fin de contrat est destinée à compenser pour l’agent commercial la perte des revenus futurs tirés de l’exploitation de la clientèle. Le quantum de l’indemnité n’étant pas réglementé, il convient d’en déterminer le montant en fonction des circonstances particulières de l’espèce, même s’il existe un usage reconnu d’accorder l’équivalent de deux années de commission, qui ne lie pas le juge » (Cour d’appel de Poitiers, 12 déc. 2023, n°23/00726). De même, la Cour d’appel de Versailles a jugé que l’indemnité basée sur deux années de commission ne devait pas être réglée à l’agent commercial lorsque le mandant a lui-même fourni la base de clientèle (Versailles, 11 janvier 2024).

Si une faute ou un manquement de l’agent n’est pas considéré comme une faute grave, elle peut cependant constituer une faute (simple) engageant la responsabilité de l’agent et autorisant le mandant à obtenir des dommages et intérêts qui pourront alors être compensés avec l’indemnité de fin de contrat.

La Cour de cassation a aussi rappelé à l’inverse que le « cumul » est possible: lorsque le mandant prouve une faute grave commise par l’agent, cette faute grave non seulement exclut le droit à l’indemnité de fin de contrat, mais autorise le mandant à demander des dommages et intérêts à l’agent pour l’indemniser du préjudice qu’il a subi (19 octobre 2022, ch. com. N°21-20. 680, aff. VG Sport).

Bien que le mandant ne puisse valablement limiter le montant de l’indemnité à l’avance, il peut utiliser un autre moyen: le contrat peut stipuler que la mise à disposition par le mandant de sa propre base de données clients (préexistants) au profit de l’agent commercial, donnera lieu à une rémunération due au mandant, mais dont le paiement par l’agent est reporté à la fin du contrat. Dans ce cas, cette somme pourra se compenser (totalement ou partiellement) avec le montant de l’indemnité de fin de contrat réclamée par l’agent. La jurisprudence a validé cette pratique à plusieurs reprises. Par exemple, en 2012, la Cour de cassation a jugé que ce type de clause est valable si elle n’a pas pour objet de limiter le montant de l’indemnité de fin de contrat (Cass.com., 21 févr. 2012, n°11-13.395). Plus récemment, la cour d’appel a jugé que ce type de clause est licite au regard des règles de droit commun et ne fait pas obstacle au caractère d’ordre public des règles applicables à l’agence commerciale (Cour d’appel de Pau, 23 nov. 2021, n°19/03937).

Le mandataire d’intérêt commun

Le mandataire d’intérêt commun a également droit à une indemnisation, mais ses droits sont plus limités, voire précaires. Avant tout, ce droit à l’indemnité n’est pas d’ordre public et peut donc être exclu ou modifié par le contrat. L’indemnité de fin de contrat ne sera pas due à ce mandataire si le contrat est résilié pour juste cause. La notion de faute grave n’est pas exigée ici. Le montant de l’indemnité est généralement calculé de la même manière que pour l’agent commercial.

Un agent commercial peut-il être considéré comme un « établissement permanent » d’une société principale étrangère du point de vue du droit fiscal? A quelles conditions?

Un agent commercial effectuant des opérations en France pour le compte d’une société étrangère ne sera pas considéré par l’administration fiscale française comme l’établissement stable de cette société.

Selon l’article 5 §. 6 du modèle de convention de l’OCDE « Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un État contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité ».

Autres particularités

Le contrat d’agent doit bien entendu prévoir la nature et le contenu de la mission de l’agent, les droits et obligations des deux parties ainsi que certaines obligations permettant un juste équilibre entre les parties, telles que, par exemple, les engagements en matière de chiffre d’affaires, les obligations de déclaration et la collecte et le transfert de données à caractère personnel. En principe, les parties sont libres d’organiser leur relation, sous réserve toutefois des dispositions qui régissent le statut d’agent commercial, dans le Code de commerce, ou plus largement le contrat, dans le Code civil.

Les dispositions les plus sensibles à anticiper en droit français sont les suivantes:

  • L’agent commercial a une obligation de rendre compte qui, en matière internationale, doit le conduire à informer scrupuleusement son mandant étranger. Il est donc conseillé de préciser clairement les rubriques du rapport d’information souhaité par le mandant et la périodicité de celui-ci;
  • Le Code civil a introduit depuis 2016 (art. 1195) la possibilité pour les parties à un contrat de le renégocier, si pour une partie l’exécution de ses obligations devenait excessivement onéreuse et alors qu’elle n’avait pas accepté d’assumer les risques d’un tel changement de circonstances (voir notre post sur le blog Legalmondo). A défaut d’accord entre les parties, celles-ci peuvent saisir le juge d’une demande de rééquilibrage du contrat ou de résiliation. Cet article n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent l’exclure ou en limiter la portée;
  • Le droit français impose au mandant de payer une commission au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel la commission a été acquise. Selon le Code de commerce, la commission est acquise dès que le commettant a livré ou dès que son client a payé le prix d’achat. Le contrat précisera que le droit à la commission n’est acquis qu’au moment du paiement du prix et au prorata de l’encaissement.
  • L’article L.134-7 du Code de commerce prévoit que l’agent commercial a droit à des commissions après la fin du contrat dans les deux cas suivants:
  • lorsque l’ordre du tiers a été reçu par le mandant avant la fin du contrat d’agent, quelles que soient les dates de réalisation de la vente et de paiement du prix;
  • lorsque l’opération est conclue entre le mandant et son client dans un délai « raisonnable » après la fin du contrat d’agent et à condition que l’opération soit principalement due à l’activité de l’agent pendant le contrat (ce qui peut être présumé lorsqu’il était exclusif ou bénéficie de l’article L134-6).

Cependant, l’article L.134-7 n’est pas d’ordre public, il peut donc être aménagé ou exclu par le contrat.

SHEIN, TEMU, PRIMARK et autres inondent le marché de textiles et accessoires de mode sans se soucier de l’impact environnemental, économique pour les entreprises locales françaises du secteur textile et de santé compte tenu des substances chimiques toxiques retrouvées dans les vêtements.

L’industrie textile représente environ 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. La production mondiale a doublé en 14 ans alors que la durée de vie des vêtements a diminué d’un tiers.

La marque SHEIN a connu une croissance de 100% entre 2021 et 2022.

Si le made in France et la promotion de marques de créateurs et artisans connaissent un renouveau, la fast-fashion prédomine le marché.

Sous l’impulsion d’un député appuyé par le Gouvernement, le projet de loi n°2129 visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 14 mars 2024 et doit être étudié par le Sénat dans le cadre d’une procédure accélérée avant d’être définitivement adoptée.

L’idée est donc de sensibiliser le consommateur en le rendant acteur et sanctionner le producteur par un malus écologique qui bénéficiaire en retour sur le textile fabriqué en France.

Que prévoit cette loi anti ultra fast-fashion ?

  1. Création d’une définition de la fast-fashion et renforcement de l’information du consommateur :
  2. interdire la publicité pour les entreprises d’ultra fast-fashion.
  3. Mise en place d’un dispositif de bonus / malus sur les vêtements.

Plongeons plus en détail.

1. Création d’une définition légale de la fast-fashion = pratique commerciale de collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide.

Cette pratique est précisée comme la « mise à la disposition ou la distribution d’un nombre élevé de nouvelles références de produits neufs (…) y compris par l’intermédiaire d’un fournisseur de marché en ligne. »

L’obligation d’information est la suivante :

Les personnes qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I affichent sur leurs plateformes de vente en ligne des messages encourageant la sobriété, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage des produits et sensibilisant à leur impact environnemental. Cette mention est affichée de manière claire, lisible et compréhensible sur tout format utilisé, à proximité du prix. Le contenu des messages est défini par décret.

Cette pratique est étendue à la vente en ligne et aux plateformes de vente en ligne au sens large.

Il est précisé que les plateformes de revente de produits invendus ne sont pas concernées.

  • Sanctions: article L541-9-4-1 code de l’environnement
  • Amende administrative < 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

DGCCRF compétente

2. Interdiction de la publicité des produits issus de la fast fashion y compris par des influenceurs.

L’interdiction de la publicité est la suivante :

« Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541‑9‑1‑1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. »

Précision étant faite aux influenceurs et plateformes de réseaux sociaux :

La publicité (…) inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. 

Lorsque la loi sera définitivement adoptée et promulguée, cette disposition entrera immédiatement en vigueur et au 1er janvier 2025.

Vous pourrez enfin reprendre une activité normale sur Instagram 😉

  • Sanctions: La nouvelle loi renvoi aux dispositions du code de l’environnement – article L229-63
  • Amende de 20.000 € pour une personne physique et 100.000 € pour une personne morale Possibilité de ne pas appliquer ces montants et de sanctionner à hauteur de la totalité du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale.

En cas de récidive, tous les montants indiqués sont doublés.

DGCCRF compétente

3. Le Malus sur l’impact environnemental des produits mis sur le marché

Les obligations issues de la loi AGEC en matière de textiles, chaussures et accessoires sont applicables à tout metteur sur le marché français grand public. C’est-à-dire tous les producteurs (industriels, fabricants, grossistes, importateurs) et distributeurs.

Il y a notamment comme obligations principales : l’adhésion à un eco-organisme (Refashion),le paiement d’une eco-contribution, un étiquetage conforme et une obligation d’affichage dont le résultat de l’évaluation de l’impact environnemental du produit peut conduire au versement d’un bonus ou au paiement d’un malus.

Si vous voulez en savoir plus sur l’étiquetage et l’éco-contribution CTA

La loi AGEC prévoit actuellement un malus maximum de 20% du prix de vente HT du produit lorsque celui-ci a des caractéristiques environnementales mauvaises.

Compte tenu des prix de vente aux consommateurs des produits issus de la fast-fashion, l’impact pour les producteurs est minime (ex sur un t-shirt à 4 €).

Le taux de ce malus est donc fixé au maximum à 50%.

L’eco-organisme est compétent pour appliquer des pénalités prévues par le nouveau texte qui sera matérialisée par une eco-contribution plus importante a reversé à REFASHION.

Cette pénalité sera évaluée au regard de l’obligation d’affichage de l’évaluation de l’impact environnemental.

Les pénalités sont donc forfaitaires sous forme de malus progressif jusqu’en 2030 :

  • 5 € par produit mis sur le marché en 2025
  • 6 € par produit mis sur le marché en 2026
  • 7 € par produit mis sur le marché en 2027
  • 8 € par produit mis sur le marché en 2028
  • 9 € par produit mis sur le marché en 2029
  • 10 € par produit mis sur le marché en 2030

Avec donc un plafond de 50% du prix de vente.

Cette augmentation impactera le metteur sur le marché 1 an plus tard quand il déclarera et versera l’eco-contribution à Refashion.

Ce malus ne s’applique qu’aux producteurs de « collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide ».

Où ira cet argent collecté issu du malus ?

La loi prévoit qu’elle sera utilisée par les eco-organismes pour financer des infrastructures de collecte et de recyclage dans des pays non-membres de l’UE.

Vous êtes une entreprise ayant un siège social à l’étranger et vous vendez en France, êtes-vous soumis à ces obligations ?

Oui.

Vous devez désigner un mandataire basé en France.

Vous ne pourrez pas échapper aux respects des obligations et des sanctions.

Pour les sociétés étrangères non établies en France, elles demeurent responsables et soumise au principe élargi du producteur en application de l’article L541-10 du code de l’environnement.

A surveiller: Le Sénat étudie actuellement le texte.

Le Gouvernement de son côté prévoit deux actions supplémentaires :

  1. Le lancement d’une campagne de communication pour promouvoir le textile français et lutter contre l’ultra fast-fashion. Cette campagne sera préparée en partenariat avec l’ADEME et le MEDEF.
  2. Le portage par le Gouvernement d’une proposition de coalition internationale pour interdire les exportations de déchets textiles vers les pays qui ne sont pas en capacité de les gérer durablement, dans le cadre de la Convention de Bâle.

Un décret doit paraitre avec les seuils de production déterminant les producteurs concernés.

La discussion porte actuellement sur une prise en compte journalière (1000 références / jour  = SHEIN & TEMU) ou annuelle (5000 références / an = PRIMARK, KIABI, ACTION, ZARA, H&M etc…)

 

Devant l’importance du marché de l’influence (plus de 21 milliards d’euros en 2023) qui touche aujourd’hui tous les secteurs, et dans un souci de transparence et de protection des consommateurs, la France a, avec la loi du 9 juin 2023, proposé la première réglementation au monde encadrant les activités des influenceurs, avec pour objectif de définir et de réguler les activités des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Mais les influenceurs sont soumis à de multiples obligations résultant de diverses sources qui appellent à la vigilance la plus grande, tant lors la rédaction des contrats d’influence (entre influenceurs et agences, ou entre influenceurs et annonceurs), que dans le comportement qu’ils doivent adopter sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes en ligne. Une vigilance d’autant plus accrue que les réglementations existantes ne couvrent pas le cœur de l’activité des influenceurs, à savoir leur statut et leur rémunération, qui restent soumises à un flou juridique mettant en risque les annonceurs, alors que les contrôles des autorités administratives s’intensifient.

Points clés à retenir

  • L’activité des influenceurs est soumise à de nombreuses réglementations, dont la loi du 9 juin 2023.
  • Cette loi n’encadre pas seulement la rédaction des contrats d’influence, mais également le comportement de l’influenceur en vue d’une meilleure transparence auprès des consommateurs.
  • Tout influenceur dont l’audience est française est concerné par les dispositions du de la loi du 9 juin 2023, même s’il n’est pas présent physiquement sur le territoire français.
  • Tant la loi du 9 juin 2023, que le « Digital Services Act », que le projet de loi sur la « fast fashion » prévoient une responsabilité croissante des différents acteurs du secteur de l’influence commerciale, et notamment des influenceurs et des plateformes en ligne.
  • Malgré une accumulation de réglementations, le statut et la rémunération de l’influenceur restent des points non traités qui appellent à une attention particulière des annonceurs qui contractualisent avec des influenceurs.

 

La loi du 9 juin 2023 encadrant l’activité d’influenceur  

La définition des métiers de l’influence

La loi du 9 juin 2023 apporte deux définitions essentielles aux activités de l’influence:

  • Les influenceurs, définis comme des « personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique ».
  • L’activité d’agent d’influenceur est définie comme « celle qui consiste à représenter, à titre onéreux », l’influenceur ou un éventuel mandataire « dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque » (article 7). L’agent d’influenceur doit prendre « les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent, pour éviter les situations de conflit d’intérêts et pour garantir la conformité de leur activité » à la loi du 9 juin 2023.

Les obligations auxquelles sont soumis les messages commerciaux créés par l’influenceur

La loi prévoit des obligations auxquelles sont soumis les influenceurs dans le cadre de leurs publications:

  • Mentions obligatoires: Lors de la création de contenu, la loi soumet l’influenceur à une obligation d’information vis-à-vis du consommateur, dans un objectif de transparence vis-à-vis de leur audience. La loi contraint ainsi les influenceurs à indiquer, de manière claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo de l’influenceur, quel que soit son format et durant l’intégralité du visionnage (selon modalités à définir par décret):
    – la mention « publicité » ou « collaboration commerciale ». La violation de cette obligation constitue une pratique commerciale trompeuse passible de deux d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (article 5 de la loi du 9 juin 2023).
    – la mention d’« images retouchées» (modification par procédés de traitement d’image visant à affiner ou épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage)  ou d’ « images virtuelles » (images créées par une intelligence artificielle). A défaut, l’influenceur s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et à 4.500 euros d’amende (article 5 de la loi du 9 juin 2023)
  • Promotions interdites ou réglementées : La loi rappelle certaines interdictions soumises à sanctions pénales et administratives, issues du droit français sur la promotion directe ou indirecte de certaines catégories de produits et services, sous peine de sanctions pénales ou administratives. Est ainsi concernée la promotion de produits et services:
    – de santé: chirurgie, médecine esthétique, prescriptions thérapeutiques, et produits de nicotine;
    – liés aux animaux non-domestiques, sauf si elle concerne un établissement autorisé à les détenir;
    – financiers: les contrats, produits et services financiers;
    – liés au sport : les abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs;
    – liés aux cryptoactifs : s’ils ne sont pas issus d’acteurs enregistrés ou n’ont pas reçu d’agrément de l’AMF;
    – de jeux d’argent et de hasard : leur promotion interdite pour les moins de 18 ans, et est réglementée par la loi;
    de formation professionnelle : leur promotion n’est pas interdite mais réglementée.

La responsabilisation du comportement des influenceurs

La loi responsabilise également les influenceurs dès la contractualisation de leurs relations et lorsqu’ils agissent en tant que vendeurs :

  • Encadrement des contrats d’influence commerciale : la loi impose, à peine de nullité, à partir d’un certain seuil de rémunération de l’influenceur (défini par décret), la formalisation par écrit du contrat entre l’annonceur et l’influenceur, mais aussi le cas échéant, entre l’agent de l’influenceur, et la stipulation obligatoire de certaines clauses (rémunération, description de la mission, etc.).
  • Responsabilité de l’influenceur en tant que cybervendeur : L’influenceur qui pratique le drop shipping (commercialisation de produits par l’influenceur sans prise en charge leur livraison, réalisée par le fournisseur) doit fournir à l’acheteur toutes les informations en langue française prévues par l’article L. 221-5 code de la consommation sur le produit, telles que, outre sa disponibilité et sa licéité (c’est-à-dire, la garantie que le produit n’est pas contrefaisant), la garantie applicable aux produits et l’identité du fournisseur. Mais en sus, les influenceurs devront garantir la bonne livraison et réception des produits, et en cas de défaut, indemniser l’acheteur. Les influenceurs sont enfin (logiquement) soumis aux obligations relatives aux pratiques commerciales trompeuses (pour plus d’information, voir La DGCCRF explique le dropshipping).

  

La responsabilisation d’autres acteurs de l’écosystème de l’influence commerciale

La loi prévoit la responsabilité solidaire de l’annonceur, l’influenceur ou le cas échéant, de l’agent d’influenceur pour les dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale – permettant à la victime du dommage d’exercer son action à l’encontre de la personne la plus solvable.

En outre, la loi introduit une responsabilisation des plateformes en ligne en intégrant en partie le règlement européen 2022/2065 sur les services numériques (dit « DSA ») du 19 octobre 2022.

 

La règlementation de l’influenceur international

Les influenceurs établis en dehors de l’Union Européenne (de la Suisse et de l’EEE) qui promeuvent des produits ou services à destination d’un public français doivent souscrire, auprès d’un assureur établi dans l’Union européenne, une assurance responsabilité professionnelle et désigner une personne morale ou physique assurant « une forme de représentation » (SIC) sur le territoire de l’Union Européenne. Ce représentant (dont le régime n’est pas très clair) est rémunéré pour représenter l’influenceur auprès des autorités administratives et judiciaires et pour assurer la conformité de l’activité de l’influenceur à la loi du 9 juin 2023.

En outre, selon la loi du 9 juin 2023, lorsque le contrat liant l’influenceur (ou son agence), a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d’influence commerciale par voie électronique « visant notamment un public établi sur le territoire français » (SIC), ce contrat devrait être soumis – exclusivement – au droit français (notamment au code de la consommation, au code de la propriété intellectuelle et à la loi du 9 06 23). Selon cette loi, l’absence d’une telle stipulation serait sanctionnée par la nullité du contrat. La loi du 9 juin 2023 semble être ainsi érigée en loi de police de nature à écarter le choix d’une loi étrangère.

Mais la légitimité (quid du respect de la définition de loi de police posée par le règlement Rome I ?) et l’efficacité (quid si le contrat stipule une loi étrangère et une compétence juridictionnelle étrangère ?) d’une telle disposition légale peuvent être questionnées notamment en raison de sa rédaction imprécise et générale. En fait, ce serait plus l’activité déployée par l’influenceur « étranger » auprès de sa communauté en France qui devrait être appréhendée par les lois de police françaises, et moins le contenu du contrat conclu avec l’annonceur (qui lui-même pourrait aussi être étranger, d’ailleurs).

 

Les autres réglementations encadrant l’activité d’influenceurs

La réglementation européenne

Le DSA (susvisé) responsabilise davantage les influenceurs, car outre le mécanisme de signalement imposé aux plateformes et permettant de signaler un contenu illicite (et ainsi de repérer un influenceur défaillant), les plateformes doivent s’assurer (et feront donc peser cette responsabilité sur l’influenceur) de l’identification des communications commerciales et d’obligations de transparence spécifiques à l’égard des consommateurs.

La «soft law»

Dès 2015, l’Autorité de Régulation de la Publicité (« ARPP ») avait émis des recommandations sur les bonnes pratiques en matière de publicité digitale. Dans la même veine, en mars 2023, le ministère de l’Économie a publié un « guide de bonne conduite » à l’attention des influenceurs et des créateurs de contenu. En 2023, la Commission européenne a lancé une plateforme d’informations juridiques pour les influenceurs. Bien que non contraignantes, ces règles, qui s’ajoutent aux réglementations existantes, sont des repères tant pour les acteurs des métiers de l’influence, que pour les juridictions et autorités administratives.

Le statut particulier de l’enfant influenceur

 La loi du 19 octobre 2020, visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants sur les plateformes en ligne, ouvre notamment la possibilité pour les enfants influenceurs d’être reconnus en tant que travailleurs salariés. Cette loi ne visait néanmoins que les plateformes de partage de vidéos. L’article 2 de la loi du 9 juin 2023 a étendu les dispositions sur le travail des enfants influenceurs introduites par la loi de 2020 à toutes les plateformes en ligne. Enfin, une récente loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants a été publiée le 19 février 2024, a introduit un principe de responsabilité conjointe des deux parents dans la protection du droit à l’image du mineur.

Le statut et la rémunération des influenceurs: l’incertitude persiste

Malgré la diversité des réglementations applicables aux influenceurs, aucune ne traite spécialement de leur statut et de leur rémunération.

Le statut de l’influenceur

A défaut de réglementation encadrant le statut de l’influenceur, un flou juridique persiste consistant à déterminer, selon les missions qui sont contractuellement confiées à l’influenceur, si ce dernier doit être considéré comme un prestataire indépendant, ou comme un salarié (comme c’est le cas pour – pour partie- les mannequins ou les artistes), voire comme un mandataire de la marque (agent commercial).

Des missions qui sont confiées à l’influenceur découlent en effet la nature du contrat et le régime de sécurité sociale applicable :

  • En cas de contrat de travail, l’influenceur devra relever du régime général des salariés et assimilés sur le fondement des articles L. 311-2 ou 311-3 du Code de sécurité sociale.
  • En cas de contrat de prestation de service, l’influenceur relèvera du régime des travailleurs indépendants.

 

C’est généralement de l’existence d’un lien de subordination entre l’annonceur et l’influenceur qui induit la qualification de contrat de travail. La relation de subordination est généralement caractérisée lorsque l’employeur donne des ordres et des directives, qu’il a le pouvoir de contrôler et de sanctionner. Mais certaines activités sont soumises (pour partie) à une présomption de contrat de travail ; c’est le cas du contrat d’artiste en vertu de l’article L. 7121-3 du Code du travail, et du contrat de mannequin en vertu de l’article L. 7123-2 du Code du travail.

 

La rémunération de l’influenceur

L’influenceur peut être rémunéré en numéraire (forfaitaire ou proportionnelle) et/ou en nature (par exemple: remise d’un produit de la marque, invitations à des évènements privés ou publics, prises en charge de frais de voyage etc.). La rémunération de l’influenceur doit être indiquée dans le contrat d’influence et est directement impactée par le statut de l’influenceur puisque certaines obligations (salaire minimum ; paiement de charges sociales…) s’appliquent s’agissant du contrat de travail.

Enfin, la rémunération (au titre des services de l’influenceur) doit être distinguée de celle de la cession de ses droits d’auteur ou de son droit à l’image faisant l’objet d’une rémunération distincte en contrepartie des droits d’exploitation cédés.

L’influenceur … en ligne de mire

 

La loi du 9 juin 2023 dote la DGCCRF de nouveaux pouvoirs d’injonction (avec astreinte renforcée). Cela vient en sus de la création récente d’une « brigade de l’influence commerciale », créée au sein de la DGCCRF, et chargée de surveiller les réseaux sociaux et de répondre aux signalements reçus sur Signal Conso. La loi prévoit des peines d’amendes et la possibilité de bloquer des contenus.

 

Dès août 2023, la DGCCRF a mis en demeure plusieurs influenceurs de se conformer aux nouvelles règlementations en vigueur sur l’influence commerciale et leur a imposé de publier sur leurs propres réseaux sociaux un message dévoilant publiquement leur condamnation pour absence de conformité aux nouvelles dispositions relatives à la transparence due aux consommateurs, lourde sanction pour des acteurs dont l’activité repose sur la notoriété (Enquête de la DGCCRF sur les pratiques commerciales des influenceurs).

La Commission européenne et les autorités nationales de protection des consommateurs de 22 États membres, de la Norvège et de l’Islande ont publié, le 14 février 2024, les résultats d’une analyse menée sur 570 influenceurs (opération dite « coup de balai » de 2023 sur les influenceurs) : un seul influenceur sur cinq présentait systématiquement son contenu commercial comme étant de la publicité.

Face aux préoccupations écologiques, éthiques et qualitatives liées à la « fast fashion », une proposition de loi visant à interdire la publicité pour les marques de fast fashion, en ce compris la publicité effectuée par les influenceurs (Proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile) a été adoptée par l’Assemblée nationale en 1ère lecture le 14 mars 2024.

La loi du 9 juin 2023 a fait l’objet de critiques de la Commission européenne, considérant que la loi contreviendrait à certains principes prévus par le droit de l’Union européenne, notamment le principe du « pays d’origine » selon lequel l’entreprise qui fournit un service dans d’autres pays de l’Union européenne est soumise exclusivement au droit de son pays d’établissement (principe initialement prévu par la Directive e-commerce du 8 juin 2000 et repris dans le DSA). Certaines de ses dispositions, notamment celles concernant l’application de la loi française à des influenceurs étrangers, pourraient donc faire l’objet de modifications prochaines – bienvenues.

RESUME : Lors d’évènements de grande ampleur, tels que les Jeux Olympiques de Paris 2024, certaines entreprises tentent d’associer « sauvagement » leur marque ou image à l’évènement par une pratique d’« ambush marketing » (marketing d’embuscade) définie par la jurisprudence comme une « stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement » (CA Paris, 2ème chambre, 8 juin. 2018, n°17/12912). Une pratique risquée et sanctionnée mais quelque fois envisageable.

Points clés à retenir

  • L’ambush marketing est une pratique sanctionnée mais qui n’est pas interdite en soi ;
  • En contrepartie de leurs investissements dans l’évènement concerné, les sponsors et partenaires officiels bénéficient d’une protection juridique très importante, par l’intermédiaire de divers textes généraux (contrefaçon, parasitisme, propriété intellectuelle) ou plus particuliers (droit du sport), contre toutes formes d’ambush marketing ;
  • Les Jeux Olympiques font l’objet d’une règlementation spécifique qui renforce encore davantage cette protection, notamment en matière de propriété intellectuelle ;
  • Mais ces droits ne sont pas absolus et il reste néanmoins de minces opportunités permettant une pratique – astucieuse – du marketing d’embuscade.

La protection des sponsors et partenaires officiels de manifestations sportives ou culturelles contre l’ambush marketing

Avec un budget de plus de 4 milliards d’euros, les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 sont financés dans une large mesure par les différents partenaires et sponsors officiels, qui bénéficient en contrepartie d’un droit d’utilisation des propriétés olympiques et paralympiques afin d’y associer leur propre image et signes distinctifs.

La pratique d’ambush marketing n’est pas sanctionnée en tant que telle par le droit français, mais de nombreux textes épars permettent de protéger largement les sponsors et partenaires de manifestations sportives ou culturelles de dimension continentale ou mondiale, contre l’ambush marketing. Ils sont en effet légitimes à pouvoir jouir paisiblement des droits qui leur sont offerts en contrepartie des larges investissements réalisés dans le cadre d’évènements tels que, par exemple, les coupes du monde de football ou de rugby ou les Jeux Olympiques.

Peuvent notamment être invoqués par les sponsors officiels et par les organisateurs de telles manifestations:

  • les protections « classiques » offertes par le droit de la propriété intellectuelle (droit des marques et le droit d’auteur) au titre de l’action en contrefaçon fondée sur le code de la propriété intellectuelle,
  • le droit de la responsabilité civile (parasitisme et la concurrence déloyale fondés sur l’article 1240 du code civil) ;
  • le droit de la consommation (pratiques commerciales trompeuses),
  • mais aussi des textes plus spécifiques tels que  la protection des droits d’exploitation des fédérations sportives et des organisateurs de manifestations sportives tirés des manifestations ou compétitions qu’ils organisent prévue par l’article L.333-1 du Code du sport, et qui confère aux organisateurs de manifestations sportives un monopole d’exploitation.

Sur les fondements susvisés, ont par exemple été sanctionnées les pratiques d’ambush marketing suivantes:

  • l’exploitation d’une compétition de tennis et l’utilisation, pendant l’évènement sportif, de la marqueassociée à celui-ci : L’organisation de paris en ligne, par un opérateur de paris en ligne, portant sur le tournoi de Roland Garros, utilisant le signe protégé et la marque Roland Garros pour viser les matchs sur lesquels les paris étaient organisés. L’exploitation illicite de la compétition sportive est sanctionnée à hauteur de 400.000 euros sur le fondement de l’article L. 333-1 du code du sport, seule la fédération française de tennis (F.F.T.) étant propriétaire du droit d’exploitation de Roland Garros. L’utilisation de la marque est également sanctionnée au titre de la contrefaçon (à hauteur de 300.000 euros) et du parasitisme (à hauteur de 500.000 euros) (CA Paris, 14 oct. 2009, n°08/19179);
  • une campagne publicitaire réalisée pendant un festival de cinéma reproduisant la marque déposée de l’évènement : L’organisation, pendant la tenue du festival de Cannes, d’une opération de communication digitale réalisée par une marque de cosmétique à travers la publication sur ses réseaux sociaux, de vidéos retraçant la mise en beauté d’égéries de la marque, sur certains plans desquelles était visible l’affiche officielle du festival de Cannes, l’une d’elles reproduisant la marque déposée de la palme d’or a été sanctionnée sur les fondements de la contrefaçon de droits d’auteurs et du parasitisme à hauteur de 50.000 euros (TJ de Paris, 11 déc. 2020, n°19/08543);
  • une campagne publicitaire visant à se voir attribuer à tort la qualité de partenaire officiel d’un évènement : L’utilisation, pendant le festival de Cannes, du slogan « coiffeur officiel des femmes » associé aux expressions « Cannes » et « Festival de Cannes », et autres publications laissant faussement croire au public que le coiffeur était partenaire officiel, au préjudice du seul coiffeur officiel du festival de Cannes, a été sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme à hauteur de 50.000 euros (CA Paris, 8 juin 2018, n°17/12912);

 

Ces sanctions pécuniaires peuvent se cumuler avec des injonctions de cessation des pratiques, et/ou de mesures de publication dans la presse, sous astreinte.

Une protection encore renforcée lors des JO de Paris 2024

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 font également l’objet d’une réglementation spécifique.

D’abord, l’article L.141-5 du code du sport édicté au profit du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJOP), protège les signes olympiques tels que les emblèmes olympiques nationaux, mais également les emblèmes, le drapeau, la devise et du symbole olympiques, l’hymne olympique, le logo, la mascotte, le slogan et les affiches des jeux Olympiques, le millésime des éditions des jeux Olympiques « ville + année« , les termes « jeux Olympiques« , « olympisme » « olympiade » « JO« , « olympique« , « olympien » et « olympienne« . Ces signes ne peuvent donc en aucun cas être reproduits ou même seulement imités par des entreprises tierces. Le COJOP a d’ailleurs publié une un guide de protection de la marque olympique rappelant les symboles, marques et signes protégés et la protection des partenaires officiels des Jeux Olympiques.

La loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ajoute des interdictions encore plus spécifiques comme la réservation des espaces publicitaires situés à proximité des sites olympiques, ou situés sur le parcours de la flamme olympique et paralympiques, réservés aux partenaires officiels. Cette protection est unique dans le cadre des Jeux Olympiques mais habituellement non règlementée dans le cadre de simples évènements sportifs.

Sur les fondements susvisés, ont par exemple déjà été sanctionnées les pratiques suivantes:

  • la reproduction du logo imitant la marque notoire « olympique »sur une collection de vêtements : La commercialisation d’une collection de vêtements, durant les Jeux Olympiques de 2016, portant un logo (cinq cœurs aux couleurs des 5 couleurs des JO s’entrecroisant à l’image du logo des JO) imitant le symbole olympique en association avec les mentions « RIO » et « RIO 2016 », sur le fondement du parasitisme (à hauteur de 10.000 euros) et des articles L. 141-5 du code du sport (à hauteur de 35.000 euros) et L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle (à hauteur de 10.000 euros) (TGI de Paris, 7 juin 2018, n°16/10605);
  • l’organisation d’un jeu-concours sur les réseaux sociaux utilisant les symboles protégés : durant les Jeux Olympiques de 2018 à PyeongChang, une société de location de voitures ayant organisé en ligne un jeu invitant les internautes à désigner les athlètes qu’ils souhaitaient voir gagner pour remporter un radio-réveil, associé aux hashtags « #JO2018 », « #Jeuxolympiques » ou « c’est parti pour les jeux Olympiques » sans autorisation du CNOSF, propriétaire de ces signes distinctifs au titre de la loi de 2018 et de l’article L.141-5 du Code du sport et sanctionnée sur ces fondements à hauteur de 20.000 euros, et de 10.000 euros pour parasitisme (TJ de Paris, 29 mai 2020, n°18/14115).

 

Cette règlementation offre ainsi aux partenaires officiels une protection renforcée de leurs investissements contre les pratiques d’ambush marketing.

Certaines opérations marketing peuvent échapper à toute sanction

L’analyse de la jurisprudence et des pratiques promotionnelles permet néanmoins de comprendre les contours de certaines pratiques publicitaires qui pourraient être autorisées (non sanctionnées par les textes susmentionnés), sous réserve qu’elles soient préparées et présentées avec habileté. En voici quelques exemples:

  • communication sur un ton décalé ou humoristique : Une approche décalée, voire humoristique, peut permettre d’échapper aux sanctions susvisées:
  • communication d’une donnée informative à titre publicitaire : A été jugée licite l’utilisation de résultats d’un match de rugby et l’annonce d’un prochain match sur un journal pour la promotion d’un véhicule automobile et de ses signes distinctifs, la publicité indiquant : « France 13 Angleterre 24 - la Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie », les juges ayant considéré que cette publication « se borne à reproduire un résultat sportif d’actualité, acquis et rendu public en première page du journal d’information sportive, et à faire état d’une rencontre future également connue comme déjà annoncée par le journal dans un article d’information » (Cass.com., 20 mai 2014, n°13-12.102);
  • sponsoring de sportifs, y compris participant à des compétitions olympiques : Sous réserve du respect du cadre réglementaire applicable, notamment s’appliquant aux mannequins, toute société peut conclure des partenariats avec des athlètes participant aux Jeux Olympiques, par exemple en leur faisant don de vêtements portant le logo ou la marque souhaitée, qu’ils pourraient arborer lors de leur participation aux différents évènements. Les athlètes peuvent également, sous condition, diffuser des remerciements de leur partenaire (même non officiel). La règle 40 de la Charte Olympique encadre d’ailleurs l’utilisation de l’image des athlètes, entraineurs et officiels à des fins publicitaires pendant les Jeux Olympiques.

L’approche combinée juridique et marketing de la conception et de la préparation du message d’une telle opération de communication sont essentielles pour éviter des poursuites judiciaires, notamment sur le fondement du parasitisme ; certaines campagnes publicitaires peuvent donc légitimement être envisagées, notamment quand elles sont astucieuses, voire malicieuses.

Dans quelles conditions le dirigeant d’une société peut-il être révoqué en France?

Cela dépend de la forme de la société.

Prenons les formes de sociétés commerciales les plus fréquentes.

Le gérant d’une société à responsabilité limitée ne peut être révoqué que pour juste motif, c’est-à-dire s’il a commis une faute, ou si sa révocation est nécessaire à la protection de l’intérêt social.

Dans une société anonyme, les membres du conseil d’administration et le président du conseil d’administration peuvent être révoqués « ad nutum », c’est-à-dire à tout moment et sans avoir à justifier d’un motif. Il est interdit de déroger à cette règle. Le directeur général, en revanche, ne peut être révoqué que pour juste motif.

Dans les sociétés par actions simplifiées, une forme sociale créée en 1994, les dirigeant sont en principe révocable « ad nutum », mais les statuts peuvent y déroger, et prévoir que le dirigeant ne pourra être révoqué que pour juste motif.

Une décision récente de la Cour de cassation, c’est-à-dire de la plus haute juridiction judiciaire en France, retient l’attention.

Elle concerne les sociétés par actions simplifiées (« SAS »), la forme sociale qui a le plus de succès en France : une société nouvellement créée sur deux est une SAS.

Dans les SAS, ce sont les statuts qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, et notamment les conditions de révocation du dirigeant.

La décision de la Cour de cassation du 12 octobre 2022 (N°21-15.382) pose un principe: si les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts, ils ne peuvent pas y déroger.

Dans cette affaire, les statuts d’une SAS prévoyaient que le directeur général pouvait être révoqué à tout moment, et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision des associés ou de l’associé unique, et que la révocation du directeur général ne lui donnerait droit à aucune indemnité.

Un directeur général avait été nommé par l’associé unique. Le même jour, l’associé unique avait adressé à ce directeur général un courrier lui précisant qu’en cas de révocation de ses fonctions sans juste motif, il bénéficierait d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de sa rémunération.

Quelques années plus tard, la société a révoqué le directeur général, qui a exigé le paiement de son indemnité forfaitaire. Face au refus de la société de lui payer, l’ancien directeur général l’a assigné en paiement de l’indemnité.

La Cour d’appel, puis la Cour de cassation ont donné raison à la société: l’ancien dirigeant n’avait pas droit à l’indemnité. Pour la Cour de cassation, les statuts fixent les modalités de révocation du directeur général, et ce sont les statuts qui priment. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger. Et même si l’acte extra-statutaire émane de l’associé unique, ou si tous les associés y ont consenti.

En conclusion

Il faut être prudent et bien analyser les statuts et les actes extra-statutaires tels que les pactes d’associés ou les conventions avec le dirigeant pour ne pas prendre de risque lors de la révocation d’un dirigeant de SAS.

Résumé

Les crises politiques, environnementales et sanitaires (telles que la crise sanitaire du Covid-19 et l’agression de l’Ukraine par l’armée russe) peuvent provoquer l’augmentation du prix des matières premières et composants et une inflation généralisée. Aussi bien les fournisseurs que les distributeurs se retrouvent confrontés à des problèmes liés à la hausse, souvent soudaine, et très substantielle, des prix de leurs approvisionnements. Le droit français pose à ce égard un certain nombre de règles spéciales constituant autant d’opportunités que de contraintes selon les intérêts en présence.

Deux situations principales peuvent être distinguées (outre de nombreux accords ou situations particuliers): celle dans laquelle les parties n’ont pas figé les conditions tarifaires (le plus souvent en instaurant un simple flux courant de commandes ou en concluant un contrat cadre sans engagement de prix ferme sur une durée déterminée) et celle dans laquelle les parties ont conclu un accord cadre figeant les prix pendant une durée déterminée.

La révision des prix dans une relation d’affaires

La situation est la suivante : les parties n’ont pas conclu d’accord cadre, chaque contrat de vente conclu (chaque commande) est régi par les CGV du fournisseur ; ce dernier ne s’est pas engagé à maintenir les prix pendant une durée minimum et applique les prix du tarif en cours.

En principe, le fournisseur peut modifier ses prix à tout moment en adressant un nouveau tarif. Il devra cependant accorder par écrit un préavis raisonnable conforme aux dispositions de l’article L. 442-1.II du code de commerce, avant que son augmentation de prix n’entre en vigueur. Faute de respecter un préavis suffisant, il pourrait se voir reprocher une rupture brutale « partielle » des relations commerciales (et s’exposer à des dommages-intérêts).

Une rupture brutale consécutive à une augmentation de prix est caractérisée quand les conditions suivantes sont réunies :

  • la relation commerciale doit être établie : notion plus large que le simple contrat, en tenant compte de la durée mais aussi de l’importance et de la régularité des échanges entre les parties ;
  • l’augmentation de prix doit être assimilée à une rupture : c’est principalement l’importance de l’augmentation des prix (+1%, 10% ou 25% ?) qui conduira un juge à déterminer si l’augmentation constitue une rupture « partielle » (en cas de modification substantielle de la relation qui est néanmoins maintenue) ou une rupture totale (si l’augmentation est telle qu’elle implique un arrêt de la relation) ou si elle ne constitue pas une rupture (si la hausse est minime) ;
  • le préavis accordé est insuffisant en comparant la durée du préavis effectivement accordé à celle du préavis conforme à l’article L. 442-1.II, tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale et de l’éventuelle dépendance de la victime de la rupture à l’égard de l’autre partie.

L’article L. 442-1.II est d’ordre public dans les relations internes françaises. Dans les relations commerciales internationales, pour savoir comment traiter l’article L.442-1.II et les règles de conflits de lois ainsi que les règles de compétence juridictionnelle, veuillez consulter notre précédent article publié sur le blog Legalmondo.

 La révision des prix dans un contrat-cadre

Si les parties ont conclu un contrat-cadre (tels que approvisionnement, fabrication, …) de plusieurs années et que le fournisseur s’est engagé sur un tarif ferme, comment, dans ce cas, peut-il augmenter ses prix ? Indépendamment d’une clause d’indexation ou d’une clause de renégociation qui serait stipulée au contrat (outre les dispositions légales spécifiques applicables aux conventions particulières quant à leur nature ou à leur secteur économique), le fournisseur peut chercher à se prévaloir du mécanisme légal de « l’imprévision » prévu par l’article 1195 du code civil,

Ce mécanisme ne permet pas au fournisseur de modifier unilatéralement ses prix mais lui permet de négocier leur adaptation avec son client.

Trois conditions préalables doivent être cumulativement réunies:

  • un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat (i.e. : les parties ne pouvaient pas raisonnablement anticiper ce bouleversement);
  • une exécution du contrat devenue excessivement onéreuse (i.e. : au-delà de la simple difficulté, le bouleversement doit causer un déséquilibre de l’ordre de la disproportion);
  • l’absence d’acceptation de ces risques par le débiteur de l’obligation lors de la conclusion du contrat.

La mise en œuvre de ce mécanisme doit suivre les étapes suivantes:

  • d’abord, la partie en difficulté doit demander la renégociation du contrat à son cocontractant;
  • ensuite, en cas d’échec de la négociation ou de refus de négocier de l’autre partie, les parties peuvent convenir ensemble (i) de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou (ii) de demander au juge compétent de procéder à son adaptation;
  • enfin, à défaut d’accord des parties sur l’une des deux options précitées, dans un délai raisonnable, le juge, saisi par l’une des parties, peut réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

La partie voulant mettre en œuvre ce mécanisme légal doit aussi anticiper les points suivants:

  • l’article 1195 du code civil ne s’applique qu’aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 (ou renouvelés après cette date). Les juges n’ont pas le pouvoir d’adapter ou rééquilibrer les contrats conclus avant cette date;
  • cette disposition n’est pas d’ordre public dans les relations internes (ni une loi de police au en matière internationale). Dès lors, les parties peuvent l’exclure ou modifier ses conditions d’application et/ou de mise en œuvre (le plus courant étant l’encadrement des pouvoirs du juge);
  • durant la renégociation le fournisseur devra continuer à vendre au prix initial car, contrairement à la force majeure, l’imprévision n’entraîne pas la suspension du respect des obligations.

Points clefs à retenir:

  • analyser avec attention le cadre de la relation commerciale avant de décider de notifier une augmentation des prix, afin d’identifier si les prix sont fermes sur une durée minimum et les leviers contractuels de renégociation;
  • identifier correctement la durée du préavis devant être accordé au partenaire avant l’entrée en vigueur des nouvelles conditions tarifaires, selon l’ancienneté de la relation et le degré de dépendance;
  • documenter la hausse de prix;
  • vérifier si et comment le mécanisme légal de l’imprévision a été amendé ou exclu par le contrat-cadre ou les CGV ou les CPV;
  • envisager des alternatives fondées éventuellement sur l’arrêt des productions/ livraisons en se retranchant, si cela est possible, derrière un cas de force majeure ou sur le déséquilibre significatif des dispositions contractuelles.

Christophe Hery

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Écrire à France – Rupture brutale d’un contrat international





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    Les risques de responsabilité du PFAS dans le secteur de l’assurance en France et en Europe

    6 juin 2024

    • France
    • Litiges

    L’article 442-1.II du code de commerce (ancien article L. 442-6.I.5 °) sanctionne la rupture par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services d’un contrat écrit ou d’une relation commerciale informelle sans donner un préavis écrit suffisant. Au cours des vingt dernières années, cet article est devenu le fondement juridique régulier d’actions en réparation (jusqu’à 18 mois de marge brute et d’autres dommages) lorsqu’une relation commerciale ou un contrat prend fin (totalement ou même partiellement).

    Par conséquent, tout commerçant (notamment étranger) qui contracte avec une entreprise (française) devrait essayer de ne pas être appréhendé cette règle (partie I) et, s’il ne peut pas, devra comprendre et contrôler sa mise en œuvre (partie II).

    En bref :

    Comment une entreprise étrangère peut-elle éviter ou contrôler le risque lié à la rupture brutale des relations commerciales fixée par la loi française ?

    Les entreprises étrangères faisant affaire avec un partenaire français devraient :

    • conclure, dès que possible, un accord cadre écrit avec leurs fournisseurs ou clients français, même pour une relation très simple et;
    • stipuler une clause en faveur d’une juridiction étrangère (ou d’un d’arbitrage) ainsi une clause soumettant le contrat à une loi étrangère car, à défaut, elles seraient soumises aux tribunaux et lois français.

    Comment une entreprise étrangère peut-elle maîtriser le risque lié à la rupture brutale des relations commerciales fixée par la loi française ?

    Les entreprises étrangères faisant affaire avec un partenaire français devraient :

    • savoir que cette règle s’applique à presque tous les types de relations commerciales ou contrats, qu’ils soient écrits ou non, à durée déterminée ou non;
    • vérifier si leur relation/contrat est suffisamment longue, régulière et significative et si l’autre partie a légitimement cru en la continuation de cette relation/contrat;
    • donner un préavis écrit de résiliation ou de non-renouvellement (ou même d’une modification majeure), dont la durée tient principalement compte de la durée de la relation, indépendamment de la durée du préavis contractuel;
    • invoquer, avec prudence, la force majeure et la faute grave de la partie pour écarter la rupture brutale;
    • anticiper, en cas de préavis insuffisant, une indemnisation dont le montant est le produit de la marge brute mensuelle moyenne multipliée par la durée du préavis non accordé.

    Comment éviter l’application de la règle française relative à la rupture brutale ?

    Dans les affaires internationales, une entreprise étrangère doit anticiper, avant de résilier un contrat ou une relation commerciale, si cette relation / ce contrat est soumis ou non au droit français et, en cas de litige, si elle sera portée devant un tribunal français ou non.

    Quelle sera la loi applicable à la rupture brutale ?

    Il est assez difficile pour une entreprise étrangère d’anticiper correctement les règles de conflit de lois applicables à la rupture brutale. Dans un arrêt du 19 septembre 2018 (RG n°16/05579, DES/Clarins), la Cour d’appel de Paris a étendu, par référence implicite à l’arrêt Granarolo de la CJUE (07/14/16, N°C196/15), la qualification contractuelle à la plupart des relations commerciales ce qui améliore la prévisibilité et permet ainsi à une entreprise étrangère de tenter d’exclure le droit français et donc la règle relative à la rupture brutale.

    Rupture brutale d’un contrat écrit ou d’une relation contractuelle tacite

    Selon le Règlement Rome I (CE n° 593/2008, 17 juin 2008) sur la loi applicable aux contrats :

    • En cas de choix d’une loi étrangère par les parties : La clause prévoyant une loi étrangère applicable sera valide et respectée par les juges français (sous réserve des lois de police) à condition que le choix de la loi par les parties soit exprès ou au moins certain.
    • En l’absence de choix par les parties : La loi française sera probablement déclarée applicable au titre soit de la loi du pays où est basé le distributeur/franchisé, etc., soit de loi du pays où la partie qui doit fournir le service prévu par le contrat, a son domicile.

    Rupture brutale d’une relation informelle

    En cas de relation informelle (c’est-à-dire la plupart du temps, des commandes passées de temps en temps), les juges français retiendront la qualification délictuelle et se référeront au Règlement Rome II (n° 864/2007, 11 juillet 2007) sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.

    • En cas de choix d’une loi étrangère par les parties : une clause de loi applicable correctement rédigée devrait être reconnue par un juge français à condition qu’elle vise expressément la responsabilité extra-contractuelle.
    • En l’absence de choix de loi par les parties : la loi française sera probablement déclarée applicable et pourra être celle de la loi du pays où le dommage survient (indépendamment du lieu du fait générateur ou de celui des conséquences indirectes) qui est le lieu du siège social où la victime française subit les conséquences de la rupture.

    Rupture brutale, une loi de police ?

    La position des tribunaux français est assez vague et insatisfaisante, et ce depuis longtemps.

    Pour résumer : le Tribunal de commerce de Paris estime que la rupture brutale n’est pas une loi de police, la Cour d’appel de Paris (seule cour d’appel française compétente en la matière) n’est également pas en faveur de la qualification de loi de police au motif que le texte « protège des intérêts économiques purement privés » (CA Paris, pôle 5, ch. 5, 28 février 2019, n° 17/16475 / CA Paris, pôle 5, ch. 5, 8 octobre 2020, n°17/19893). Récemment, elle a réaffirmé que la rupture brutale des relations commerciales établies n’est pas une loi de police (Cour d’appel de Paris, 11 mars 2021, n° 18/03112).

    La Cour de cassation n’a jamais explicitement abordé la question (loi de police ou pas). Certes la Cour de cassation a jugé dans l’affaire Expedia (Cass. com., 8 juillet 2020, n°17-31.536) que les dispositions de l’ancien article L. 442-6, I, 2º et II, d), sur le « déséquilibre significatif » (qui fait partie du même ensemble de règles que la « résiliation brutale ») sont des lois de police, mais cette qualification devrait être limitée à l’action spécifique intentée uniquement par le ministère des finances. De plus certains tribunaux pourraient être tentés d’invoquer les dispositions de la loi française n°2023-221 (30 mars 2023, aka Egalim III) pour qualifier la règle sur la rupture brutale de loi de police ; cependant ce texte (article L 444-1.A du Code de commerce) ne vise pas expressément la notion de loi de police et ne justifie en rien de retenir une telle qualification.

    Par conséquent, si un tribunal français est saisi d’une demande de « rupture brutale », il existe toujours un risque que ce dernier exclut la loi étrangère applicable et la remplace par le régime résultant de la « rupture brutale » de l’article L 442-1. II. Toutefois, pour éviter ce risque, l’entreprise étrangère a intérêt non seulement à choisir une loi applicable étrangère mais aussi à prévoir que le litige sera porté devant un juge étranger ou un tribunal arbitral.

    Comment éviter la compétence des tribunaux français sur une demande en réparation basée sur la rupture brutale ?

    Cocontractant intra-UE et demande en réparation basée sur la rupture brutale

    La décision de la CJUE (Granarolo, 14 juillet 2016, N°C196/15) a créé une distinction entre les demandes résultant de :

    • contrats-cadres écrits ou relations contractuelles tacites (existant uniquement si les éléments de preuve énumérés par la CJUE sont identifiés par les juges nationaux c’est-à-dire la durée de la relation et les engagements reconnus à chaque partie tels que l’exclusivité, le prix ou les conditions de livraison ou de paiement, la non-concurrence, etc.) : une telle demande a une nature contractuelle selon les règles de compétence juridictionnelle en vertu du règlement CE Bruxelles I bis ;
    • de relations informelles (c’est-à-dire des commandes passées de temps à autre) : une telle demande a une nature délictuelle selon le règlement CE Bruxelles I bis.

    À noter : la loi 30 mars 2023 (dite loi « Egalim III ») n’a aucun impact sur les règles de l’UE en matière de clauses attributives de compétence.

    (a) Quel est le juge de la rupture brutale d’un contrat écrit ou d’une relation contractuelle tacite ?

    • Une clause attributive de compétence au profit d’un tribunal étranger sera reconnue par les tribunaux français même si c’est une clause asymétrique (Cour de cassation, 7 octobre 2015, Ebizcuss.com / Apple Sales International).
    • En cas d’absence de clause de compétence, les tribunaux français sont susceptibles d’être compétents si le demandeur français qui introduit une action basée sur une rupture brutale est le prestataire de services, tel qu’un distributeur, un agent, etc. (affaire Corman Collins CJUE, 19 12 13, C-9/12, et article 7.1.b.2 du règlement CE Bruxelles I bis).

    (b) Quel est le juge de la rupture brutale d’une relation informelle ?

    • Les tribunaux français peuvent donner effet à une clause de compétence en matière délictuelle en particulier lorsqu’elle englobe expressément les litiges délictuels (Cour de cassation, 1° Ch. Civ., 18 janvier 2017, n° 15-26105, Riviera Motors / Aston Martin Lagonda Ltd).
    • En cas d’absence de clause de compétence, les tribunaux français seront compétents à l’égard d’une demande basée sur la rupture brutale en tant que juge du lieu où l’événement dommageable s’est produit (art. 7.3 de Bruxelles I bis) qui est le lieu où la rupture brutale a effet c’est-à-dire en France si la victime est une entreprise française.

    co-contractant hors UE et demande en réparation basée sur la rupture brutale

    La solution Granarolo ne s’appliquera pas ipso facto si une victime française introduit une demande devant les tribunaux français basée sur une rupture brutale commise par une société établie hors de l’UE. Dans les relations hors UE, les juges français pourraient continuer à ne retenir que la qualification délictuelle (comme en matière interne). Dans ce cas, les tribunaux français peuvent retenir leur compétence en se basant sur le lieu où l’événement dommageable s’est produit. Une clause de compétence peut cependant être reconnue en France même pour les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle.

    Une clause de compétence au profit d’un tribunal étranger peut être reconnue en France (même pour les demandes fondées sur la responsabilité civile), à condition que cette clause de compétence soit valable en vertu d’une convention internationale bilatérale ou de la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for. Dans le cas contraire, selon la loi Egalim III, une compétence impérative pourrait être reconnue aux tribunaux français.

    Arbitrage et demande en réparation basée sur la rupture brutale

    Stipuler une clause d’arbitrage ad hoc ou institutionnelle est probablement la solution la plus sûre pour éviter la compétence des tribunaux français. Idéalement, la clause fixera le siège du tribunal arbitral en dehors de la France. Selon le principe de compétence-compétence des arbitres, les tribunaux français se déclarent incompétents sauf si la clause d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, quel que soit le fondement contractuel ou délictuel (cf. Cour d’appel de Paris, 5 septembre 2019, n°17/03703).

    Conclusion : Les entreprises étrangères ne doivent pas laisser en suspens les questions de compétence et de droit applicable. Elles doivent négocier les clauses sans quoi la victime française d’une rupture sera en droit d’intenter une action pour rupture brutale devant les tribunaux français (voir la Partie 2 ci-dessous).

    Comment maîtriser les règles françaises sur la rupture brutale ?

    Lorsque le droit français s’applique, l’entreprise étrangère sera confrontée au régime juridique de l’article L442 -1.II du code de commerce sanctionnant la rupture brutale. En guise de remarque préliminaire, il est important de savoir avant tout que la mise en œuvre de la responsabilité pour rupture brutale découle du défaut de préavis ou d’un préavis trop court. Ainsi, ce régime ne prévoit pas de règle d’indemnisation automatique. En d’autres termes, dès qu’un préavis raisonnable est donné par l’auteur de la rupture, la responsabilité sur ce fondement peut être écartée.

    Le prérequis pour la rupture brutale : une relation commerciale établie

    Tous les contrats sont couverts par ce régime juridique à l’exception des contrats dont la réglementation prévoit un préavis spécifique (comme les contrats d’agence commerciale et les contrats de sous-traitance de transport de marchandises par route).

    En premier lieu, il doit exister une relation pouvant être prouvée par un contrat écrit ou de facto par le comportement des parties. L’article L.442-1 II du code de commerce couvre toutes les relations « commerciales » et pas seulement les « relation contractuelles », de sorte que cette relation peut être fondée sur une succession de contrats tacitement renouvelés ou un flux régulier d’affaires matérialisé par de multiples commandes ce qui a été récemment rappelé par la Cour de cassation (Cass. com., 16 février 2022, n° 20-18.844).

    En second lieu, cette relation doit avoir un caractère établi. Il n’y a pas de définition juridique mais cette notion a été définie année après année par la jurisprudence qui a posé un critère objectif (a) et un critère plus subjectif (b).

    (a) Le critère objectif implique une relation suffisamment longue, régulière et significative entre les deux parties. La durée de la relation est le critère le plus important. La relation doit également être régulière, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir été interrompue (trop souvent ou trop longtemps). La relation doit enfin être significative et représenter un flux d’affaires sérieux entre les parties, en volume ou en valeur.

    (b) Le critère subjectif se concentre principalement sur la croyance légitime de la victime de la rupture dans la continuation du contrat / de la relation qui est basée sur des éléments factuels tels que les demandes d’investissement, les budgets sur plusieurs années, etc. En revanche, c’est sur la base de la constatation d’un manque de croyance légitime dans un avenir proche que la partie qui rompt la relation peut prouver l’absence de caractère stable lorsqu’elle a par exemple recouru, à plusieurs reprises, à un appel d’offres (sauf s’il s’agit d’une ruse).

    Anticiper une réclamation pour rupture brutale

    (a) La rupture peut être totale ou partielle

    La rupture totale se matérialise par un arrêt complet des relations, par exemple, la fin du contrat, l’arrêt de l’envoi de commandes par l’acheteur ou l’enregistrement de commandes par le fournisseur.

    La Cour de cassation a récemment rappelé qu’une baisse significative des ventes avec un partenaire doit être considérée comme une rupture partielle de la relation (16 février 2022, n° 20-18.844, cité ci-dessus). Mais la situation la plus compliquée à gérer est la rupture partielle déduite d’une modification d’éléments qui impacte partiellement (mais substantiellement) la relation mais ne la réduit pas à néant (par exemple : une augmentation ou une diminution des prix, un changement des conditions de paiement ou de livraison).

    (b) La rupture doit être soumise à un préavis écrit et raisonnable

    Le préavis doit être notifié par écrit. L’absence de préavis écrit constitue déjà une rupture en soi. La notification doit clairement refléter la volonté d’une partie de rompre la relation en tout ou en partie. La notification doit également indiquer la date à laquelle la relation prendra fin.

    Ainsi, une ambiguïté sur la période de préavis (par exemple si la résiliation d’un accord est notifiée, tout en proposant de maintenir certains prix et conditions de paiement) est considérée comme un préavis insuffisant (Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-23.676).

    Les parties doivent distinguer entre la lettre de mise en demeure pour manquement et la notification subséquente de la rupture avec mise en demeure (le cas échéant). Pendant la période de préavis, les parties doivent se conformer pleinement à toutes leurs obligations contractuelles.

    Ce principe s’applique également aux contrats de distribution soumis à des règles françaises spécifiques imposant des obligations de négociation annuelles ou pluriannuelles. En effet, la Cour de cassation a jugé que « lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties sont soumises à une négociation annuelle, les modifications apportées pendant la période de préavis qui ne sont pas d’une importance telle qu’elles en compromettent son efficacité ne constituent pas une rupture brutale de cette relation » (Cass. com., 7 décembre 2022, n° 19-22.538).

    Cependant, le fait de ne pas mentionner les raisons pour lesquelles la relation commerciale est rompue n’est pas une faute ou un manquement à la relation. En effet, les tribunaux français considèrent que « le fait que le motif invoqué pour mettre fin à la relation commerciale soit faux n’empêche nullement la partie de mettre fin à la relation commerciale » (Cour d’appel de Versailles, 10 juin 1999).

    La durée du préavis à respecter n’est pas définie par la loi française qui n’a pas établi de règle précise jusqu’à la réforme de 2019. Bien que plusieurs critères soient énoncés par la jurisprudence, le critère le plus important est la durée de la relation. Les juges prennent également en compte la part du chiffre d’affaires réalisé par la victime, l’existence ou non d’une exclusivité territoriale, la nature des produits et le secteur d’activité, l’importance des investissements réalisés par la victime notamment pour la relation en question et enfin l’état de dépendance économique. La dépendance économique est définie comme l’impossibilité pour une entreprise d’avoir une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a établies avec une autre entreprise. La jurisprudence considère cela comme un facteur aggravant justifiant un préavis de rupture plus long.

    Le délai de préavis minimum doit être notifié au moment de la notification de la rupture. Par conséquent, les événements qui affectent la victime après la notification, tant positivement (conclusion d’un nouveau contrat) que négativement (perte d’un autre client), ne seront pas pris en compte par le juge lors de l’évaluation de la « brutalité » de la rupture.

    La durée du préavis donné par les juges est très variable. L’appréciation du préavis se fait au cas par cas. Il est très difficile de donner une règle d’or même si grosso modo pour chaque année de relation un mois de préavis peut être dû (à moduler à la hausse ou à la baisse en fonction des autres critères de la relation). À titre d’illustration, on peut citer quelques jurisprudences :

    • Cour d’appel de Paris, le 9 février 2022 : relation de 16 ans avec un préavis de 15 mois ;
    • Cour d’appel de Paris, le 20 janvier 2022 : relation de 12 ans avec un préavis de 8 mois ;
    • Cour d’appel de Paris, le 25 octobre 2022 : relation de 16 ans avec un préavis de 18 mois ;
    • Cour d’appel de Paris, le 23 février 2022 : relation de 17 ans avec un préavis de 11 mois ;
    • Cour d’appel de Paris, le 21 septembre 2022 : relation de 5 ans avec un préavis de 14 mois.

    Depuis l’ordonnance du 24 avril 2019 qui limite à 18 mois maximum la durée du préavis raisonnable, si le préavis accordé par une partie est de 18 mois, elle ne peut être tenue responsable d’une rupture brutale. Mais une grande partie du contentieux reste incertaine car seules les relations d’une longévité exceptionnelle ou particulièrement sensibles conduisaient, avant 2019, à l’attribution d’un préavis supérieur à 18 mois.

    Les juges ne sont pas liés par les préavis contractuels stipulés dans le contrat mais si l’auteur de la rupture viole également les conditions de rupture prévues par le contrat, la victime peut rechercher la responsabilité de l’auteur tant sur la base de la rupture brutale que sur le fondement de la violation d’une obligation contractuelle.

    Cas où la rupture brutale est écartée

    La loi prévoit deux cas et la jurisprudence semble en avoir imposé d’autres.

    (a) Les deux exceptions légales sont la force majeure (très rarement consacrée par les tribunaux) et la faute de la victime de la rupture, la jurisprudence ayant ajouté qu’il doit s’agir d’une violation grave d’un engagement contractuel ou d’une disposition légale (comme le non-respect d’une exclusivité, d’une clause de non-concurrence, de confidentialité ou de changement de contrôle, ou le non-paiement de montants dus contractuellement).

    Les juges ne se considèrent pas liés par la définition de la faute grave prévue par les parties. En tout état de cause, la partie qui résilie pour faute grave doit clairement le notifier dans sa lettre de résiliation. La faute grave entraîne un défaut de préavis donc si la partie qui résilie allègue une faute grave mais accorde un préavis, quel qu’il soit, les juges peuvent conclure que la faute n’était pas suffisamment grave. Cependant, la Cour de cassation a pu considérer que « même en cas de faute grave justifiant la rupture immédiate de la relation commerciale, l’autre partie reste libre de donner à l’autre partie un préavis » (Cass. Com., 14 octobre 2020, n°18-22.119).

    La gravité de la faute doit être motivée par les juges dans leurs décisions. Dès lors, constater que le contrat a été rompu après deux mises en demeure n’est pas suffisant (Cass. com., 16 février 2022, n° 20-18.844).

    (b) Ces dernières années, la jurisprudence a ajouté d’autres cas d’exonération de responsabilité. C’est le cas lorsque la rupture est la conséquence d’une cause extérieure à l’auteur de la rupture, telle que la crise économique, la perte de ses propres clients ou fournisseurs, en amont ou en aval.

    Par exemple, en 2021, la Cour de cassation a jugé que « le partenaire commercial n’a pas droit à une relation inchangée et ne peut refuser toute adaptation requise par les changements économiques » (Cass. com., 01 décembre 2021, n°20-19.113). En effet, pour être imputable à un acteur économique, la rupture doit être libre et délibérée ce qui n’est pas le cas si la rupture est due à une situation économique.

    En revanche, l’ajout d’une clause d’exonération de responsabilité dans un contrat visant à renoncer à échapper aux sanctions de l’article L. 442-1.II est sans conséquence sur l’appréciation du juge.

    Les juges ont également exclu la rupture brutale dans l’hypothèse de la fin de la première période d’un contrat à durée déterminée, quelle que soit sa durée : le premier renouvellement d’un contrat constitue un événement prévisible pour la victime de la rupture ce qui exclut la notion même de brutalité mais dès lors que le contrat a été renouvelé au moins une fois, les juges peuvent ensuite caractériser la croyance légitime de la victime en un nouveau renouvellement tacite.

    Indemnisation en cas de rupture brutale

    Les juges n’indemnisent que les conséquences préjudiciables de la brutalité même de la rupture mais n’indemnisent pas, du moins dans le cadre de l’article L442-1.II, les conséquences de la rupture elle-même.

    La règle de base est très simple : il est nécessaire de déterminer la durée du préavis qui aurait dû être accordé, de laquelle on déduit le préavis réellement accordé. Ce préavis net est multiplié par la marge mensuelle brute moyenne de la victime ou plus souvent la « marge sur coûts variables » (i.e. : le chiffre d’affaires moins les coûts disparaissant avec l’inexécution du contrat/de la relation). Le défendeur ne doit pas hésiter à demander les preuves comptables complètes en particulier pour identifier les taux de marge (inférieurs) ou même une expertise judiciaire sur ces éléments comptables. En général, l’assiette de la marge mensuelle moyenne est constituée des 24 ou 36 derniers mois.

    L’indemnisation calculée sur la marge moyenne est, en général, exclusive de toute autre indemnité. Cependant, la victime peut prouver qu’elle a subi d’autres pertes consécutives à la brutalité de la rupture, telles que les licenciements directement causés par cette brutalité ou la dépréciation des investissements récemment réalisés par la victime.

    Quelques conseils pratiques pour anticiper la rupture brutale

    Bien que le régime juridique reste ambigu et la jurisprudence terriblement casuistique, ce qui empêche de dégager des lignes directrices solides, voici quelques conseils pratiques lorsqu’une entreprise envisage de mettre fin à une relation/contrat :

    • dans le cas d’un contrat à durée déterminée renouvelable par tacite reconduction, la notification du non-renouvellement doit être anticipée bien avant le début du préavis contractuel afin d’éviter de se retrouver dans une situation où il est nécessaire de choisir entre ne pas renouveler le contrat avec un préavis insuffisant ou accepter de voir le contrat renouvelé lui-même pour une nouvelle période ;
    • les équipes commerciales doivent être sensibilisées au risque de rupture brutale partielle lorsqu’elles modifient trop radicalement les conditions d’exécution d’une relation/contrat commercial ;
    • dans certains cas, il peut être utile d’envoyer un préavis de rupture avec une « proposition de préavis » afin de tenter de valider ce préavis avec l’autre partie ;
    • il peut également être utile, dans certaines relations, de notifier la fin de la relation avec des durées de préavis différentes en fonction de la nature des lignes de produits ;
    • Enfin, le meilleur moyen est de conclure un protocole de fin de relation fixant la durée du préavis ainsi que, le cas échéant, la baisse progressive des commandes, le tout dans le cadre d’un accord transactionnel par lequel les parties renoncent définitivement à toute réclamation y compris en cas de rupture brutale.

    Le régime de la rupture brutale doit être pris en considération lors de l’entrée dans la phase finale d’une relation de longue durée : la manière dont le contrat (ou la relation de fait) est résilié doit être soigneusement planifiée afin de gérer le risque de causer des dommages au cocontractant et d’être poursuivi en réparation.

    Les PFAS sont des produits chimiques utilisés depuis plus de 50 ans dans l’industrie. Ils seraient entre 4000 et 5000 variétés, utilisés pour diverses applications de consommation courante, et sont reconnus pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, et résistantes aux fortes chaleurs. Ils font l’objet d’une attention depuis quelques années, et sont visés par la réglementation Européenne, comme aux USA, où les pouvoirs publics ont imposé des valeurs d’utilisation maximum, de même que des obligations déclaratives. Le Règlement UE 2019/ 1021 (POP) restreint la production et l’utilisation de certaines catégories de PFAS dans certaines industries ou au-delà de certaines valeurs, de même que leur usage avec des produits alimentaires. La France a été plus loin, en réglementant les niveaux de rejets dans les cours d’eau.

    Les recherches scientifiques suspectent en effet les PFAS comme étant cause de maladies, tels que cancers, troubles de la reproduction, l’enjeu étant de nature à poser d’importants problèmes de santé publique dans les années à venir, en raison de l’importance de la contamination non seulement dans les produits d’usage quotidien, mais également dans l’environnement, et plus particulièrement les cours d’eau. Cette préoccupation est d’autant plus prégnante que les PFAS sont considérés comme des « polluants éternels » dans la mesure où il n’existe, à l’heure actuelle, aucun moyen de les éliminer de l’environnement.

    Les impacts sur la responsabilité des entreprises et de leurs assureurs sont déjà importants. Aux USA, plus de 6000 procès ont été engagés depuis 2005. Trois groupes ont déjà payé plus de 1,2 Milliards USD de transaction en raison des contaminations, un autre groupe ayant payé plus de 10 Milliards USD pour mettre fin à une action de groupe.

    En France, la Métropole de Lyon a engagé une action en référé expertise contre deux entreprises de chimie, avant d’envisager d’engager une action en responsabilité.  En sus de ceci, plusieurs plaintes pénales ont été déposées pour mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement.

    La responsabilité des entreprises et de leurs assureurs pourrait être engagée, en droit français, sur divers fondements juridiques. Outre le droit commun de la responsabilité civile – basé sur l’article 1240 du Code civil – le régime spéciale de la responsabilité des produits défectueux pourrait aussi servir de base à une action en responsabilité (articles 1245 et suivants du Code civil), le droit français définissant le défaut comme tout produit n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

    S’il est difficile, à l’heure actuelle, d’identifier un lien de causalité avec une maladie identifiée, la jurisprudence en lien avec l’amiante a montré, par le passé, que la victime dispose d’une action dès lors qu’elle peut démontrer un préjudice d’anxiété, liée à l’importance de son exposition au produit, même si elle n’est pas affectée d’une maladie au jour de sa demande.

    En outre, les obligations déclaratives imposées par les pouvoirs publics permettront certainement l’introduction d’actions en responsabilité, en facilitant l’identification des émetteurs et utilisateurs de ces polluants.

    Les assureurs sont directement concernés par ce phénomène, qui constitue alors pour eux un risque « émergent » (« silent cover ») car pour la plupart, ce risque n’était pas identifié lors de la souscription de la police, ce qui les expose directement, et est d’autant plus problématique que les primes d’assurances n’ont pas pu prendre en compte un tel risque. Les polices d’assurance de responsabilité civile ou professionnelle, surtout si elles sont rédigées avec des clauses « tous risques sauf » (c’est-à-dire couvrant tous les risques de responsabilité vis-à-vis des tiers sauf ceux strictement listés), de même que celles comportant des clauses liées aux risques environnementaux, sont particulièrement visées.

    Les Lloyd’s ont déjà publié des modèles de clauses d’exclusion à l’attention des assureurs, de telles clauses ne pouvant évidemment couvrir que les futurs contrats ou avenants d’assurance :

    https://www.lmalloyds.com/LMA_Bulletins/LMA23-039-SD.aspx

    Les clauses contenues dans les polices d’assurances devront être rédigées avec un soin particulier, et tenir compte des spécificités de chaque Etat. En France, par exemple, pour être opposables à l’assuré, les clauses doivent être « formelles et limitées », ce qui veut dire que l’exclusion doit être à la fois clairement exprimée et qu’il doit être possible de déterminer parfaitement son contenu. A titre d’exemple, la Cour de cassation a récemment considéré que l’utilisation des termes « tels que » ou « notamment » (Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.435) entraînaient une confusion dans l’interprétation de la clause d’exclusion, la rendant invalide.  Un débat a d’ailleurs pu avoir lieu sur la question de la validité d’une clause d’exclusion portant sur les dommages corporels causés par l’amiante, risque qui à l’époque n’avait pas été identifié par les assureurs, qui avaient par la suite procédé à son exclusion de la plupart des contrats (Cass. 2e civ., 21 sept. 2023, n° 21-19801 et 21-19776). De même, les polices devraient clairement indiquer si la garantie est acquise en base fait dommageable ou en bas réclamation.

    Une chose est certaine : les risques liés aux PFAS, les réclamations ne font que commencer, en Europe, où au demeurant les conditions des actions de groupe ont récemment fait l’objet d’un élargissement, avec la Directive UE 2020/1828 qui est entrée en vigueur le 25 juin 2023, qui fait l’objet actuellement d’une proposition de loi en discussion au parlement français en vue de sa transposition.

    Comment les contrats d’agence sont-ils réglementés en France?

    En France, pour maîtriser les règles applicables aux contrats d’agent commercial, il faut savoir que l’activité d’agent peut relever de deux réglementations distinctes, l’une plutôt protectrice de l’agent, l’autre plus souple.

    D’une part, il y a l’agent commercial stricto sensu (« agent commercial »), ou agent commercial statutaire, qui doit répondre à une définition légale précise afin de bénéficier d’un régime protecteur fixé par les articles L.134-1 à L.134-17 du Code de commerce. Ces articles résultent de la loi du 25 juin 1991 transposant les dispositions de la Directive européenne n°86/653 du 18 décembre 1986 sur les agents commerciaux. Ces articles fournissent un cadre juridique assez bien défini. En droit interne français, de nombreuses dispositions sont d’ordre public interne, en ce sens que le mandant et l’agent ne peuvent y déroger; la question est plus délicate dans le cas d’un contrat international (voir § 4. C ci-dessous).

    D’autre part, il y a le mandataire d’intérêt commun qui relève essentiellement des dispositions du Code civil applicables au mandat (art. 1984 et suivants du Code civil) complétées par la jurisprudence. Le cadre juridique de l’activité des mandataires d’intérêt commun est beaucoup plus souple, voire flou, car il renvoie à des règles générales. En outre, la plupart de ces règles ne sont pas d’ordre public; par conséquent, le contrat d’agent d’intérêt commun peut y déroger.

    Le point commun entre ces deux formes de régime juridique réside dans le fait que l’agent commercial et l’agent d’intérêt commun sont tous deux des mandataires qui représentent leurs cocontractants (le mandant). Ils agissent tous deux au nom et pour le compte du mandant dans la mesure où ils se présentent officiellement comme le représentant du mandant et où leurs actions lient le mandant.

    D’une manière générale, lorsqu’un agent agit au nom et pour le compte d’une société et que son contrat ou son activité ne peut être analysé comme un « agent commercial » parce qu’il ne remplit pas les conditions fixées par la loi, les juges lui reconnaissent au moins la qualité de « mandataire d’intérêt commun » (à moins qu’il ne relève d’une autre catégorie juridique exposée au point 2.a ci-dessous). L’exposé qui suit distinguera, le cas échéant, les règles applicables à l’agent d’intérêt commun et à l’agent commercial. Il faut également savoir que le mot anglais « agent » recouvre à la fois un terme générique qui renvoie à la catégorie générale du mandat (« mandataire ») et un statut spécifique (« agent commercial ») abrégé en anglais; les opérateurs internationaux doivent donc être prudents dans l’utilisation de ce mot.

    Quelles sont les différences avec les autres intermédiaires?

    Lorsqu’un opérateur commercial envisage de recourir aux services d’un intermédiaire (terme volontairement neutre ou générique), il ne doit pas contracter ipso facto avec un agent commercial. En effet, économiquement ou pratiquement, un intermédiaire peut avoir des missions différentes et les exercer dans des conditions différentes. Plusieurs schémas contractuels s’offrent donc à ce professionnel, qu’il convient de bien distinguer du statut de l’agent commercial afin d’éviter que le contrat d’agent commercial ne soit requalifié, ce qui aurait pour effet de créer une insécurité juridique pour les deux parties, voire de les exposer à de nouvelles obligations ou responsabilités.

    Contrats alternatifs aux contrats d’agence commerciale

    Indépendamment de la distinction fine entre agent commercial et agent d’intérêt commun (qui sera évoquée au § b. ci-dessous), il est possible de contracter avec un courtier, un commissionnaire, un employé ou un prestataire de services. Ces quatre catégories sont plus particulièrement abordées ci-dessous car elles peuvent remplir, économiquement ou pratiquement, des missions proches et donc créer une confusion quant à l’application d’un statut particulier. Le risque de confusion est moindre avec les contrats de distribution ou de franchise car les premiers impliquent clairement l’achat et la revente de produits, matérialisés au moins par des factures d’achat et de revente, et les seconds impliquent généralement la mise à disposition d’un savoir-faire et de signes distinctifs.

    Le contrat de courtage

    Le courtier (ou apporteur d’affaires) n’est pas un agent en ce sens qu’il ne représente pas son cocontractant. Son rôle consiste principalement à mettre en relation un vendeur et un acheteur, en leur laissant le soin de négocier tous les termes de leur éventuel contrat. Le courtier n’intervient pas, en principe, dans la négociation (mais ce n’est pas interdit) et il est généralement rémunéré non pas sur le résultat de la négociation mais sur l’entrée en négociation. Le contrat de courtage est très peu réglementé par la loi (sauf dans certains secteurs économiques très spécifiques) et les droits et obligations des parties sont donc régis par les dispositions du contrat et les usages du secteur dans lequel elles opèrent. La loi n’impose pas le paiement d’une indemnité au courtier à la fin de son contrat.

    Le contrat de commissionnaire

    Le commissionnaire n’est pas un véritable agent en ce sens que s’il agit pour le compte de son commettant, il agit à l’égard des tiers sous son propre nom. En d’autres termes, en amont, il est considéré comme un mandataire dans ses relations avec son commettant, et à ce titre il doit respecter les instructions de ce dernier et il n’achète pas les produits qui lui sont simplement confiés, et en aval, sur le marché, il prétend être un distributeur vendant des produits sous son propre nom (mais en fait selon les instructions et les prix communiqués par son commettant). Ce contrat a donc une nature double. En fin de contrat, le commissionnaire n’a pas droit à une indemnité, contrairement au mandataire d’intérêt commun ou à l’agent commercial (une des explications réside dans le fait que les clients sont ses clients et non ceux du commettant).

    Ce schéma contractuel peut être intéressant lorsqu’un opérateur commercial souhaite développer un réseau de vente en s’appuyant sur des points de vente gérés par des indépendants mais qui doivent respecter de nombreuses instructions reçues de leur mandant, notamment en termes de prix. Certains réseaux dits « de franchise » adoptent ce schéma (appelé alors « commission-affiliation »).

    Le contrat de travail

    La promotion des produits et services d’un opérateur commercial peut également se faire par l’intermédiaire d’un salarié de cet opérateur. Ce dernier peut alors conclure soit un contrat de travail classique avec un salarié qui sera itinérant (par exemple responsable d’une région), soit un contrat de travail spécifiquement dédié au démarchage de clientèle (dit « VRP »). Dans les deux cas, le salarié sera protégé par le droit du travail dont les dispositions sont très largement d’ordre public, il percevra un salaire sur lequel l’employeur devra payer des charges sociales. L’employeur ne pourra mettre fin au contrat que selon une procédure et des conditions précises et devra payer le cas échéant des indemnités de licenciement.

    La distinction entre un contrat d’agence et un contrat de travail est fondamentale pour empêcher l’agent de revendiquer (généralement à la fin du contrat) le statut plus protecteur d’un salarié. En conséquence, le mandant doit, entre autres, éviter de placer son agent, personne physique, voire société unipersonnelle, dans une position de subordination, c’est-à-dire en contrôlant trop strictement son activité et en évitant d’exercer une sanction disciplinaire à son encontre.

    Le contrat de prestation de services

    Dans certains cas, le contenu de la mission de promotion est couvert par un contrat de prestation de services. Ainsi, par exemple, lorsqu’un laboratoire pharmaceutique fait appel à une force de vente externalisée (gérée par une autre entreprise) pour promouvoir ses spécialités pharmaceutiques auprès des médecins, la mission de mise en avant des produits auprès de tiers qui ne sont pas des acheteurs potentiels mais des prescripteurs, ne relève pas d’un contrat d’agence commerciale mais d’un contrat de prestation de services promotionnels. Il en est de même si les seules missions envisagées par l’opérateur commercial sont par exemple une étude de marché, une assistance à la réponse aux appels d’offres, le suivi technique des commandes ou des expéditions, la gestion d’un stock tampon ou des réclamations des clients ou des opérations de maintenance. Le contenu de la prestation doit être très clairement identifié et le prix, généralement forfaitaire, doit être précisément stipulé. En général, ces contrats sont régis par les dispositions du Code civil relatives aux contrats d’entreprise (ou louage d’ouvrage). Sauf stipulation dans le contrat, il n’y a pas d’indemnité à payer à la fin de la prestation.

    La frontière entre le contrat de prestation de services et la mission confiée à un agent est souvent assez ténue, dans la mesure où un agent peut se voir confier tout ou partie de ces services en plus de sa mission centrale de prospection, de négociation et de conclusion de contrats au nom et pour le compte de son mandant. Dans certains cas, il peut être fortement conseillé de scinder les deux contrats pour conclure un contrat d’agent commercial pur où l’agent est rémunéré uniquement pour son activité de démarchage et un contrat de service où il est rémunéré pour des prestations accessoires (ceci peut notamment avoir un impact fondamental sur la détermination de l’assiette de l’indemnité due à l’agent commercial à l’issue de son contrat).

    Principales caractéristiques d’un agent commercial

    L’agent commercial est défini en droit français comme le mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de travail, est chargé de façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats de vente ou de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux (art. L.134.1). En cas de contestation du statut de l’agent, le juge vérifiera donc si toutes les conditions prévues par cet article sont réunies.

    • Tout d’abord, l’agent commercial est indépendant. Il maîtrise son organisation et les moyens techniques et humains qu’il met en œuvre. Il organise comme il l’entend son temps de travail et choisit comme il l’entend ses clients, qui sont ses mandants (sous réserve de respecter ses engagements de non-concurrence). En tant qu’indépendant, l’agent commercial peut également employer des sous-agents, qui sont rémunérés par lui et qui peuvent avoir également le statut d’agent commercial.
    • Deuxièmement, l’agent commercial est également un mandataire chargé d’un mandat, mais un mandataire un peu particulier. Comme tout mandataire, il agit au nom et pour le compte de son mandant. Mais en tant qu’agent commercial statutaire, il doit rechercher activement des clients, négocier avec eux et, éventuellement, conclure avec eux.

    Cependant, pendant une décennie, la jurisprudence française a eu l’habitude d’exclure du statut d’agent commercial, l’agent qui se contentait de présenter les tarifs et les produits de son mandant mais qui n’avait pas la capacité de négocier librement les prix et les principales conditions des contrats de vente et/ou de les conclure librement. Ainsi, en présence d’une clause excluant toute possibilité pour l’agent de négocier et de conclure des contrats, la qualification d’agent commercial ne pouvait être reconnue (et en général le contrat était requalifié en contrat de mandat d’intérêt commun).

    Mais, dans un arrêt du 4 juin 2020, la CJUE, saisie par le tribunal de commerce de Paris d’une question préjudicielle sur la compatibilité de la définition française de l’agent commercial avec la définition posée par la Directive de 1986, a écarté cette définition stricte de la « négociation » et a ajouté que la notion de négociation ne peut être comprise selon le prisme restrictif adopté par les juges français. La définition de la notion de « négociation » doit non seulement prendre en compte le rôle économique attendu d’un tel intermédiaire (la négociation étant une notion très large) mais aussi préserver les objectifs de la Directive de 1986 consistant principalement à assurer la protection de ce type d’intermédiaire. La CJUE a ensuite considéré qu’une personne ne doit pas nécessairement avoir le pouvoir de modifier les prix des biens qu’elle promeut pour être qualifiée d’agent commercial (voir notre article sur le blog Legalmondo).

    En conséquence, la Cour de cassation s’est alignée (Cass. Com., 2 déc. 2020, 18-20.231) sur la jurisprudence européenne en considérant qu’ « un agent commercial doit désormais être qualifié d’agent commercial s’il (…) est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats (…) au nom et pour le compte de (…) alors qu’il n’a pas le pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ».

    L’article L.134-15 du Code de commerce prévoit un seul cas dans lequel le statut protecteur de l’agence commerciale peut être écarté même en présence d’un agent commercial. Lorsque l’activité d’agent commercial est exercée en exécution d’un contrat écrit passé entre les parties à titre principal pour un autre objet (ou activité, par ex. un contrat de distribution), ce contrat peut expressément écarter les dispositions protectrices du statut d’agent commercial (à condition que l’activité d’agent commercial ne soit pas effectivement exercée à titre principal ou déterminant).

    Enfin, il convient d’ajouter que certaines activités sont exclues du statut d’agent commercial, comme les agents d’assurance, les agents immobiliers ou les agents de voyage. Mais les intermédiaires collaborant à titre indépendant avec des agents immobiliers peuvent bénéficier du statut d’agent commercial.

    Comment désigner un agent en France?

    Le contrat

    Le contrat d’agent commercial ou le contrat d’intérêt commun est un contrat consensuel. Il peut être formé par écrit ou oralement. Le contrat peut être formalisé par un simple échange de lettres. A défaut d’écrit, la preuve d’une convention est admise par tous moyens notamment par des factures de commissions ou par une preuve rapportée par des tiers. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’article L.134-2 du Code de commerce n’impose pas un écrit mais prévoit simplement que chaque partie peut exiger de l’autre un écrit formalisant leur relation. L’absence d’écrit n’empêche pas l’application de la protection prévue aux articles L.134-1 et suivants du Code de commerce.

    Le contrat d’agent commercial ou le contrat de mandat d’intérêt commun n’a pas à être enregistré.

    L’agent

    L’agent commercial a l’obligation de s’inscrire au registre spécial des agents commerciaux (« RSAC ») tenu au greffe du tribunal de commerce. Cette obligation s’impose à l’agent commercial domicilié en France, personne physique ou morale, de nationalité française ou étrangère. Toutefois, cette obligation ne s’impose pas aux agents commerciaux établis hors de France qui ont une mission temporaire ou occasionnelle en France.

    L’obligation d’immatriculation est sans incidence sur la validité du contrat d’agent commercial. En d’autres termes, un agent commercial non inscrit au RSAC peut toujours prétendre au bénéfice du statut protecteur des agents commerciaux. En revanche, rien n’interdit au mandant de stipuler que l’immatriculation est une condition suspensive (ou résolutoire) de l’efficacité du contrat d’agent commercial. Le défaut d’immatriculation n’est pas sanctionné civilement mais peut simplement faire l’objet d’une amende pénale. L’agent commercial a l’obligation de mentionner son numéro d’immatriculation au RSAC sur tous ses documents commerciaux (sous peine d’amende).

    Le mandataire d’intérêt commun n’a pas l’obligation de s’inscrire au RSAC.

    Comment l’exclusivité accordée à l’agent est-elle réglementée en France?

    L’exclusivité peut être accordée par le mandant en ce qui concerne une zone géographique et/ou un type de clientèle. Dans ce cas, le mandant (i) ne peut pas mandater un autre agent pour la même zone et/ou catégorie de clients et (ii) devra payer des commissions à l’agent pour toutes les ventes conclues par le mandant avec des clients appartenant à la zone/catégorie exclusive, même si la transaction a été effectuée sans l’intervention de l’agent.

    L’agent a-t-il droit à des commissions sur les ventes en ligne effectuées par un mandant à des clients du territoire de l’agent?

    A défaut d’aménagement conventionnel, l’agent commercial a droit à une commission dans les cas suivants:

    • si l’opération commerciale ait été conclue grâce à son intervention, ou
    • sans avoir à prouver son intervention dans l’opération si une exclusivité est accordée à l’agent, ou
    • si aucune exclusivité territoriale n’a été accordée, mais que l’agent commercial est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes particulier (ce qui est presque toujours le cas), il a également droit à une commission pour toute transaction conclue avec un client appartenant à ce groupe ou à ce secteur géographique, sans avoir à fournir la preuve de son intervention (article L.134-6).

    Ces règles n’étant pas d’ordre public, elles peuventt être écartées par le contrat.

    À quelles conditions l’agent peut-il être lié par une clause de non-concurrence pendant et après la fin du contrat d’agence?

    Engagement de non-concurrence pendant le contrat d’agence

    Même si le contrat ne le prévoit pas expressément, l’agent commercial a l’obligation légale d’obtenir l’accord préalable du mandant pour représenter un concurrent (cette obligation peut bien sûr être expressément écartée par le contrat). Cela étant, il est hautement préférable de définir quels sont les concurrents ou quels sont les produits concurrents (principe de substituabilité fonctionnelle). Le principe de loyauté inhérent à l’agent lui interdit également d’exercer une activité personnelle concurrente même si celle-ci n’est pas expressément interdite dans le contrat.

    Engagement de non-concurrence après la fin du contrat d’agence

    Le contrat d’agent commercial peut stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle mais celle-ci, pour être valable, doit être limitée (i) au même secteur géographique (ou au groupe de personnes) confié à l’agent (ii) ainsi qu’au type de biens et services prévus dans le contrat et (iii) à deux ans maximum. Il n’est donc pas possible de stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle ayant un champ d’application plus large que celui du contrat d’agent commercial. A défaut, elle sera considérée comme nulle. Mais même dans ces limites maximales, les tribunaux français contrôlent en plus le principe de proportionnalité de l’engagement pour vérifier si cette clause n’a pas pour effet d’empêcher un ex-agent d’exercer toute activité professionnelle. Aucune compensation financière n’est exigée par la loi.

    Droit applicable au contrat d’agence en France

    Un contrat d’agence commerciale peut être soumis à une loi étrangère, si le contrat est considéré comme international. Cette situation sera caractérisée soit lorsque l’une des deux parties est établie à l’étranger, soit lorsque le contrat est exécuté à l’étranger, même si les deux parties sont établies en France.

    Un contrat peut être soumis à une loi étrangère soit en raison du choix effectué par les parties, soit, à défaut de choix, en raison de la détermination faite par le juge. Cela pose d’emblée l’importance de la clause de compétence et du lien étroit entre la compétence internationale et la loi nationale applicable. Sachant que les règles de conflit de lois sont celles appliquées par le juge compétent (ici le juge français), ce dernier appliquera le Règlement CE Rome I sur la loi applicable aux contrats (17 juin 2008, n° 593/2008) ainsi que la Convention de La Haye sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires (14 mars 1978).

    Le choix d’une loi étrangère par les parties

    Qu’il s’agisse de la Convention de La Haye (art. 5) ou du Règlement CE Rome I (art. 3), le juge français doit respecter le choix de la loi par les parties, qu’il soit exprès ou implicite.

    La détermination de la loi applicable par le juge, à défaut de choix par les parties

    Les règles de conflit de lois imposées par la Convention de La Haye et le Règlement Rome I sont assez similaires:

    • Selon la Convention de La Haye (art. 6): à défaut de choix des parties, la loi déterminée par le juge sera celle de l’État dans lequel l’agent est établi lors de la conclusion du contrat. Toutefois, c’est la loi du pays dans lequel la mission doit être exécutée qui sera applicable si le mandant a son domicile dans ce pays.
    • Selon le règlement Rome I: à défaut de choix des parties, la loi déterminée par le juge sera celle de l’État dans lequel l’agent a son domicile ou sa résidence habituelle, que ce soit en vertu de l’art. 4 § 2 (règle générale) ou de l’art. 4, §1.b (règle spéciale si le contrat d’agent est assimilé à un contrat de service au sens du Règlement Rome I).

    Interférence possible des lois de police françaises

    Même si le juge français est obligé d’appliquer la loi étrangère déterminée par les règles de conflit de lois, il doit également appliquer les lois de police françaises. En général, ces lois de police consistent en un noyau dur de règles d’ordre public interne. En d’autres termes, toutes les règles d’ordre public interne ne sont pas des lois de police au niveau international. Cette question se pose sérieusement pour les contrats d’agent commercial (et non pour les contrats de mandat d’intérêt commun), pour lesquels les tribunaux français n’ont pas la même position que la CJUE sur ce point.

    La Cour de cassation juge depuis plus de vingt ans que la réglementation française sur les agents commerciaux (art. L.134-1 et suivants) n’est pas une loi de police. Cette solution s’applique aux mandants étrangers établis aussi bien en dehors de l’UE que dans l’UE.

    Cette position, plutôt à l’avantage du mandant, apparaît en décalage avec les règles posées par la CJUE:

    • dans le cas d’une relation entre un agent établi dans l’UE et un mandant établi en dehors de l’UE, la CJUE a jugé que l’agent commercial qui avait saisi une juridiction d’un Etat membre de l’UE peut prétendre à la protection de la Directive de 1986, même si le contrat est soumis au droit d’un Etat non membre de l’UE (CJUE, 9/11/2000, affaire C 381/98, Ingmar);
    • en ce qui concerne une relation entre un agent basé dans l’UE et un mandant établi dans un autre Etat membre de l’UE, la CJUE a jugé que la loi d’un Etat membre qui met en œuvre la Directive de 1986, choisie par les parties, peut être écartée par la loi de police du pays du juge saisi si celui-ci constate que le législateur de son Etat a estimé « crucial » d’accorder à l’agent commercial une protection allant au-delà de celle recherchée par ladite Directive, compte tenu de la nature et de la finalité de telles dispositions impératives (CJUE, 17/11/13, affaire C 184/12, Unamar).

    Il semble clair que pour les tribunaux français, la loi française qui a transposé la Directive de 1986 n’exige pas une protection spéciale allant au-delà de celles prévues par la Directive et ne peut donc pas ignorer une autre loi européenne transposant la même Directive. Toutefois, le mandant étranger aura intérêt, pour éviter tout risque d’application d’une loi de police française, non seulement à soumettre la convention à une loi étrangère mais aussi à stipuler soit une clause attributive de compétence au profit d’un juge étranger soit une clause compromissoire.

    Clauses de règlement des litiges dans les contrats d’agence en France

    Clause attributive de juridiction

    Un contrat d’agence internationale peut stipuler une clause de compétence au profit d’une juridiction étrangère et ce, quel que soit le choix fait par les parties (y compris le tribunal d’un Etat tiers aux pays des deux parties). Dans un contrat international, la clause attributive de juridiction est valable même avec une personne physique qui n’a pas la qualité de commerçant.

    Sur le plan formel, il est conseillé que les contrats d’agence commerciale internationale stipulent expressément une clause attributive de juridiction. Il est également possible de stipuler une clause de compétence asymétrique par laquelle une juridiction est déterminée comme étant exclusive pour les deux parties mais où une partie se réserve le droit de porter l’affaire devant une autre juridiction (cette clause est valable à condition que l’option soit mentionnée en faveur d’une juridiction déterminée). Il est préférable d’indiquer expressément que la compétence est accordée à titre exclusif. Il est conseillé d’inclure dans le champ d’application de la clause les litiges fondés sur la responsabilité civile délictuelle et dans le domaine du droit de la concurrence, ainsi que les hypothèses de pluralité de défendeurs, d’appel en garantie et de référé.

    Les juges français respectent la clause de compétence stipulée en faveur des juridictions étrangères, même si des lois de police françaises sont potentiellement concernées.

    Il convient de préciser que les règles de compétence du règlement Bruxelles I bis s’appliquent également, pour cette question spécifique, aux contrats conclus avec (ou entre) des contractants établis en dehors de l’Union européenne dès lors que la clause attribue une compétence au juge d’un état membre de l’UE.

    Si les parties ne stipulent pas de clause de compétence au profit d’une juridiction déterminée, la compétence du juge saisi sera appréciée au regard des règles de compétence du pays de ce juge. En ce qui concerne la compétence du juge français, les règles déterminant la compétence internationale diffèrent selon le lieu d’établissement du cocontractant de la partie française: si le défendeur est établi dans l’UE, le juge fera application du Règlement CE Bruxelles I bis et si le défendeur n’est pas établi dans l’UE , il fera application de la convention bilatérale (ou multilatérale) concernée ou à défaut, des règles standard françaises de compétence internationale. Toutefois, les règles de compétence sont plus ou moins les mêmes: (i) le tribunal du lieu du domicile ou du siège social du défendeur et (ii) celui du lieu d’exécution du contrat d’agence.

    Clause compromissoire

    Un contrat d’agent international peut également stipuler une clause compromissoire, qui sera valable même si l’agent n’est pas une personne morale mais une personne physique, et même s’il n’est pas commerçant.

    Les juges français reconnaissent le principe de validité des clauses d’arbitrage et déclinent leur compétence (sauf si la clause d’arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable), mais peuvent néanmoins accorder des mesures provisoires ou conservatoires, y compris un paiement partiel sur une créance invoquée par l’une des parties (« référé  provision » si en outre l’urgence est prouvée), tant que l’arbitrage n’a pas commencé. En pratique, les contrats d’agence ne prévoient pratiquement jamais de clauses d’arbitrage, qu’elles soient ad hoc ou qu’elles renvoient à un centre d’arbitrage, tel que la CCI.

    Reconnaissance d’une décision judiciaire ou arbitrale rendue à l’étranger 

    Un jugement rendu par un tribunal d’un autre Etat membre de l’Union européenne sera reconnu et exécuté en France, sans formalité depuis l’entrée en vigueur du Règlement CE Bruxelles I bis. Pour plus d’informations sur l’exécution et les recours possibles en vertu du Règlement CE Bruxelles I bis, voir le chapitre de guide Legalmondo « Agent Commerciaux » sur le droit communautaire (et le guide Legalmondo « exequatur des jugements et sentences arbitrales »). Il est important de rappeler à cet égard qu’au stade de l’exécution en Europe, le Règlement CE Bruxelles I bis s’applique à toute décision rendue par un autre juge de l’UE, quel que soit le fondement de sa compétence internationale (règles de l’UE ou nationales).

    Un jugement rendu par un tribunal d’un Etat n’appartenant pas à l’Union européenne sera reconnu et exécuté en France dans les conditions et selon la procédure prévues par la convention bilatérale existant éventuellement avec ce pays tiers, et à défaut, selon les conditions de droit commun posées par la jurisprudence française en la matière: absence de violation d’une règle de compétence exclusive reconnue par les juridictions françaises, absence de violation de l’ordre public international de fond et de procédure et absence de fraude.

    Les sentences arbitrales rendues à l’étranger sont largement reconnues et déclarées exécutoires en France. L’appel de la décision qui accorde la reconnaissance ou l’exécution n’est ouvert que dans les cas suivants: 1° Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou expirée; 2° Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ; 3° Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée; 4° Lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté; et 5° Si la reconnaissance ou l’exécution sont contraires à l’ordre public international.

    Des saisies conservatoires de biens peuvent toutefois être effectuées avant l’octroi de l’exequatur.

    Comment mettre fin à un contrat d’agence en France?

    Un contrat d’agent commercial peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée. Si les parties poursuivent un contrat à durée déterminée qui ne comporte pas de clause de tacite reconduction, ce contrat se poursuivra pour une durée indéterminée.

    Le contrat d’agence commerciale à durée indéterminée peut être résilié à tout moment, sans motif particulier. La loi sur les agents commerciaux impose un délai de préavis minimum devant être respecté: un mois pour une résiliation la première année, deux mois la deuxième année et trois mois la troisième année et les années suivantes. Le même préavis minimum doit être respecté lorsque l’une des parties à un contrat à durée déterminée notifie son opposition au renouvellement automatique.

    Le non-respect d’un préavis expose la partie qui résilie à payer des dommages-intérêts en fonction de la durée du préavis non accordé. Il convient de noter que l’article L.442-1. II (ex 442-6.1 5°) du Code de commerce sanctionnant la rupture dite brutale (voir notre post sur le blog Legalmondo à ce sujet) ne s’applique pas au contrat d’agence commerciale (Cass. Com 3 avril 2012, n°11-13.527), mais s’applique au contrat de mandat d’intérêt commun dans la mesure où il n’y a pas de règle particulière de préavis applicable à ce type de contrat.

    La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée qui n’est pas conforme aux termes du contrat ou qui n’est pas justifiée par une faute de l’autre partie, permettra à la victime d’obtenir des dommages et intérêts calculés sur la base du temps restant à courir jusqu’à la fin du contrat (outre l’indemnité légale de fin de contrat). Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que « la rupture du contrat d’un agent commercial, même à durée déterminée, ouvre droit à la réparation du préjudice résultant de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, alors que le caractère anticipé de cette rupture ouvre droit à la réparation du préjudice résultant de la perte des commissions jusqu’à la date prévue par la convention » (Cass.com., 23 avril 2003, n°01-15.639).

    Des exemples de « justes motifs » justifiant une résiliation anticipée du contrat d’agence (par le mandant ou l’agent) selon la législation et la jurisprudence

    Les tribunaux ont jugé que la résiliation anticipée d’un contrat d’agence est possible:

    • par le mandant lorsque l’agent (i) représente des produits concurrents sans l’autorisation de son mandant ou (ii) néglige de prospecter la clientèle;
    • par l’agent lorsque le mandant (i) ne paie pas la commission due ou (ii) modifie unilatéralement le taux ou la base de la commission.

    Le fait de ne pas atteindre un objectif de vente peut-il être considéré comme un juste motif de résiliation?

    La non-atteinte d’objectifs ou de quotas contractuels est considérée comme un manquement autorisant le mandant à résilier par anticipation un contrat à durée déterminée sans dommages et intérêts pour rupture abusive (et fortiori, résilier un contrat à durée indéterminée). Toutefois, la jurisprudence française considère que la non-atteinte de l’objectif minimum n’est pas qualifiée de « faute grave »; par conséquent, le mandant qui résilie un contrat pour non-atteinte de l’objectif minimum devra payer l’indemnité légale de fin de contrat.

    Indemnité de fin de contrat pour les contrats d’agence en France

    L’indemnité de fin de contrat due à l’agent est traitée différemment selon qu’il s’agit d’un agent commercial ou d’un mandataire d’intérêt commun.

    Le contrat d’agence commerciale

    • Principe de l’indemnité de fin de contrat

    Si le contrat est soumis au droit français, l’indemnité est imposée par l’article L.134-12 du Code de commerce (et l’art. 17.3 de la Directive de 1986). Aucune disposition contraire ne peut s’opposer au principe de cette indemnité ni en limiter par avance le montant.

    L’indemnité est due à la fin du contrat (la jurisprudence ne fait pas de distinction entre la fin d’un contrat à durée indéterminée et le terme d’un contrat à durée déterminée, même si cela semble contraire au texte de la Directive de 1986). L’indemnité n’est pas due dans les cas suivants:

    • l’agent commercial a mis fin à son contrat, sauf si cette fin est justifiée par une faute préalable du mandant (ex.: non-paiement des commissions) ou est due à l’âge, l’infirmité, la maladie ou le décès de l’agent;
    • la fin du contrat est causée par une faute grave de l’agent commercial;
    • l’agent commercial a cédé son contrat – avec l’accord du mandant – à un tiers.

    Il convient de noter que l’exception d’infirmité, d’âge, de maladie ou de décès ne concerne que l’agent commercial, personne physique, qui a contracté avec le mandant. Cette possibilité disparaît lorsque l’agent commercial est une société qui contracte avec le mandant.

    Si l’agent commercial refuse de renouveler son contrat lorsque le mandant le lui propose, l’indemnité de fin de contrat ne sera pas due. En effet, la Cour de cassation refuse d’accorder une indemnité de fin de contrat à un agent qui refuse de renouveler son contrat lorsque le mandant le lui propose (Cass.com., 29 juin 2010, n°09-68.160).

    En ce qui concerne l’indemnité de cessation d’activité des sous-agents, la CJUE a jugé que l’indemnité normalement due par l’agent à ses sous-agents pouvait être ignorée, au nom de l’équité, en particulier dans le cas où le sous-agent poursuit son activité avec le mandant. Ce principe d’équité et une lecture plus rigoureuse de la Directive de 1986 (art. 17.3) devraient également conduire à conclure qu’un agent dont le sous-agent poursuit directement la relation avec son (ancien) mandant ne peut pas inclure la part qui devrait revenir à son propre sous-agent dans la base de l’indemnité de cessation d’activité demandée au mandant.

    Le droit à l’indemnité de l’agent commercial devient caduc s’il ne la réclame pas, par tout moyen (généralement par lettre recommandée avec accusé de réception), dans un délai d’un an à compter de la fin de son contrat. Ce délai de forclusion est indépendant, en droit français, de la prescription du droit d’agir en justicequi est de cinq ans à compter de la fin du contrat et qui est interrompue par une procédure judiciaire.

    • La faute grave exclut l’indemnité de rupture

    La faute grave est interprétée strictement par la jurisprudence comme une faute d’une gravité telle qu’elle empêche le maintien de la relation contractuelle.

    La Cour de cassation considère que la faute grave peut être:

    • le fait pour l’agent de ne pas informer le mandant de son changement d’actionnaire, ou de son changement de dirigeant;
    • la violation d’un engagement de non-concurrence;
    • le manquement à l’obligation de loyauté de l’agent (Cass.com., 29 juin 2022, n°20-13.228);
    • l’inexécution du contrat dans les règles de l’art en négligeant la prospection de la clientèle (Cass.com., 10 juillet 2007, n°06-13.975);
    • le versement d’une double commission au détriment du mandant (Cass.com. 20 septembre 2016, n°15-12.994).

    Ainsi, toutes les violations d’un contrat ne sont pas automatiquement considérées comme des fautes graves. Par exemple, le non-respect d’un objectif de chiffre d’affaires généré par l’agent n’est pas en soi une faute grave, mais c’est le cas de la violation d’un engagement de non-concurrence, de l’abandon de la mission ou du dénigrement du mandant. Même si les tribunaux considèrent ne pas être liés par une définition contractuelle de la faute grave, il pourrait être utile de préciser quel manquement pourrait autoriser le mandant à résilier le contrat pour une faute dite grave.

    La définition de la faute grave amène également les tribunaux à considérer que si le mandant a accordé (pour des raisons de conciliation, de respect du contrat ou de faiblesse) un préavis de résiliation, la faute à l’origine de cette résiliation peut ne pas être considérée comme une faute grave. En d’autres termes, résilier pour faute grave implique de résilier sans préavis.

    Le mandant doit donc être très prudent dans la gestion de la résiliation du contrat d’agence en ce qui concerne le moment de la résiliation et sa notification.

    Tout d’abord, la faute de l’agent commercial doit être invoquée par le mandant dans la lettre de rupture adressée à l’agent. La Cour de cassation (16 novembre 2022, n°21-17.423, aff. Acopal) a précisé qu’une faute grave de l’agent non mentionnée par le mandant dans sa lettre de rupture ne peut être invoquée ultérieurement pour refuser le droit à l’indemnisation. Ainsi, même la découverte, après la notification de la résiliation, d’une faute commise par l’agent ne peut priver ce dernier de son droit à indemnisation puisque c’est la lettre de résiliation qui verrouille en quelque sorte les motifs invoqués par le mandant et donc les conditions d’attribution ou de refus d’indemnisation.

    En outre, la Cour de cassation a également décidé (16 novembre 2022, n° 21.10.126, aff. SBA Vins) que si l’agent notifie, le premier, la fin du contrat, en prouvant que cette fin est justifiée par une faute antérieure du mandant, son droit à l’indemnité de fin de contrat sera acquis, même si le mandant réussit ensuite à prouver que l’agent a commis une faute grave (mais le mandant aura droit à des dommages-intérêts). Cette jurisprudence donne une véritable prime tactique à celui qui prend, le premier, l’initiative formelle de notifier la fin du contrat d’agence.

    • Montant de l’indemnité de fin de contrat

    Si la Directive communautaire de 1986 et l’article L. 134-12 du Code de commerce posent clairement un principe de réparation du préjudice (réellement) subi par l’agent commercial, la jurisprudence française fixe très largement le quantum de la réparation à un montant quasi forfaitaire de deux années de la rémunération brute versée à l’agent calculée sur la moyenne des 36 derniers mois précédant la fin effective du contrat, sans exiger de l’agent qu’il prouve la réalité de son préjudice, ni le lien de causalité entre la fin du contrat et son préjudice. Si le contrat a duré moins de deux ans, l’indemnisation sera prorata temporis.

    L’assiette de l’indemnisation est constituée par l’ensemble des sommes versées à l’agent, y compris la rémunération des services accessoires (et même le remboursement des frais). La jurisprudence ne distingue pas non plus traditionnellement entre les commissions versées pour des opérations avec des clients préexistants et celles qui n’existaient pas; mais il pourrait être judicieux d’annexer au contrat la liste des clients préexistants et leur chiffre d’affaires pour caractériser une éventuelle défaillance de l’agent. En effet, il semble que certains tribunaux ne veuillent pas s’en tenir à ce forfait de deux ans et veuillent évaluer le préjudice réel subi par l’agent. Ainsi, une Cour d’appel a jugé que « l’indemnité de fin de contrat est destinée à compenser pour l’agent commercial la perte des revenus futurs tirés de l’exploitation de la clientèle. Le quantum de l’indemnité n’étant pas réglementé, il convient d’en déterminer le montant en fonction des circonstances particulières de l’espèce, même s’il existe un usage reconnu d’accorder l’équivalent de deux années de commission, qui ne lie pas le juge » (Cour d’appel de Poitiers, 12 déc. 2023, n°23/00726). De même, la Cour d’appel de Versailles a jugé que l’indemnité basée sur deux années de commission ne devait pas être réglée à l’agent commercial lorsque le mandant a lui-même fourni la base de clientèle (Versailles, 11 janvier 2024).

    Si une faute ou un manquement de l’agent n’est pas considéré comme une faute grave, elle peut cependant constituer une faute (simple) engageant la responsabilité de l’agent et autorisant le mandant à obtenir des dommages et intérêts qui pourront alors être compensés avec l’indemnité de fin de contrat.

    La Cour de cassation a aussi rappelé à l’inverse que le « cumul » est possible: lorsque le mandant prouve une faute grave commise par l’agent, cette faute grave non seulement exclut le droit à l’indemnité de fin de contrat, mais autorise le mandant à demander des dommages et intérêts à l’agent pour l’indemniser du préjudice qu’il a subi (19 octobre 2022, ch. com. N°21-20. 680, aff. VG Sport).

    Bien que le mandant ne puisse valablement limiter le montant de l’indemnité à l’avance, il peut utiliser un autre moyen: le contrat peut stipuler que la mise à disposition par le mandant de sa propre base de données clients (préexistants) au profit de l’agent commercial, donnera lieu à une rémunération due au mandant, mais dont le paiement par l’agent est reporté à la fin du contrat. Dans ce cas, cette somme pourra se compenser (totalement ou partiellement) avec le montant de l’indemnité de fin de contrat réclamée par l’agent. La jurisprudence a validé cette pratique à plusieurs reprises. Par exemple, en 2012, la Cour de cassation a jugé que ce type de clause est valable si elle n’a pas pour objet de limiter le montant de l’indemnité de fin de contrat (Cass.com., 21 févr. 2012, n°11-13.395). Plus récemment, la cour d’appel a jugé que ce type de clause est licite au regard des règles de droit commun et ne fait pas obstacle au caractère d’ordre public des règles applicables à l’agence commerciale (Cour d’appel de Pau, 23 nov. 2021, n°19/03937).

    Le mandataire d’intérêt commun

    Le mandataire d’intérêt commun a également droit à une indemnisation, mais ses droits sont plus limités, voire précaires. Avant tout, ce droit à l’indemnité n’est pas d’ordre public et peut donc être exclu ou modifié par le contrat. L’indemnité de fin de contrat ne sera pas due à ce mandataire si le contrat est résilié pour juste cause. La notion de faute grave n’est pas exigée ici. Le montant de l’indemnité est généralement calculé de la même manière que pour l’agent commercial.

    Un agent commercial peut-il être considéré comme un « établissement permanent » d’une société principale étrangère du point de vue du droit fiscal? A quelles conditions?

    Un agent commercial effectuant des opérations en France pour le compte d’une société étrangère ne sera pas considéré par l’administration fiscale française comme l’établissement stable de cette société.

    Selon l’article 5 §. 6 du modèle de convention de l’OCDE « Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un État contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité ».

    Autres particularités

    Le contrat d’agent doit bien entendu prévoir la nature et le contenu de la mission de l’agent, les droits et obligations des deux parties ainsi que certaines obligations permettant un juste équilibre entre les parties, telles que, par exemple, les engagements en matière de chiffre d’affaires, les obligations de déclaration et la collecte et le transfert de données à caractère personnel. En principe, les parties sont libres d’organiser leur relation, sous réserve toutefois des dispositions qui régissent le statut d’agent commercial, dans le Code de commerce, ou plus largement le contrat, dans le Code civil.

    Les dispositions les plus sensibles à anticiper en droit français sont les suivantes:

    • L’agent commercial a une obligation de rendre compte qui, en matière internationale, doit le conduire à informer scrupuleusement son mandant étranger. Il est donc conseillé de préciser clairement les rubriques du rapport d’information souhaité par le mandant et la périodicité de celui-ci;
    • Le Code civil a introduit depuis 2016 (art. 1195) la possibilité pour les parties à un contrat de le renégocier, si pour une partie l’exécution de ses obligations devenait excessivement onéreuse et alors qu’elle n’avait pas accepté d’assumer les risques d’un tel changement de circonstances (voir notre post sur le blog Legalmondo). A défaut d’accord entre les parties, celles-ci peuvent saisir le juge d’une demande de rééquilibrage du contrat ou de résiliation. Cet article n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent l’exclure ou en limiter la portée;
    • Le droit français impose au mandant de payer une commission au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel la commission a été acquise. Selon le Code de commerce, la commission est acquise dès que le commettant a livré ou dès que son client a payé le prix d’achat. Le contrat précisera que le droit à la commission n’est acquis qu’au moment du paiement du prix et au prorata de l’encaissement.
    • L’article L.134-7 du Code de commerce prévoit que l’agent commercial a droit à des commissions après la fin du contrat dans les deux cas suivants:
    • lorsque l’ordre du tiers a été reçu par le mandant avant la fin du contrat d’agent, quelles que soient les dates de réalisation de la vente et de paiement du prix;
    • lorsque l’opération est conclue entre le mandant et son client dans un délai « raisonnable » après la fin du contrat d’agent et à condition que l’opération soit principalement due à l’activité de l’agent pendant le contrat (ce qui peut être présumé lorsqu’il était exclusif ou bénéficie de l’article L134-6).

    Cependant, l’article L.134-7 n’est pas d’ordre public, il peut donc être aménagé ou exclu par le contrat.

    SHEIN, TEMU, PRIMARK et autres inondent le marché de textiles et accessoires de mode sans se soucier de l’impact environnemental, économique pour les entreprises locales françaises du secteur textile et de santé compte tenu des substances chimiques toxiques retrouvées dans les vêtements.

    L’industrie textile représente environ 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. La production mondiale a doublé en 14 ans alors que la durée de vie des vêtements a diminué d’un tiers.

    La marque SHEIN a connu une croissance de 100% entre 2021 et 2022.

    Si le made in France et la promotion de marques de créateurs et artisans connaissent un renouveau, la fast-fashion prédomine le marché.

    Sous l’impulsion d’un député appuyé par le Gouvernement, le projet de loi n°2129 visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 14 mars 2024 et doit être étudié par le Sénat dans le cadre d’une procédure accélérée avant d’être définitivement adoptée.

    L’idée est donc de sensibiliser le consommateur en le rendant acteur et sanctionner le producteur par un malus écologique qui bénéficiaire en retour sur le textile fabriqué en France.

    Que prévoit cette loi anti ultra fast-fashion ?

    1. Création d’une définition de la fast-fashion et renforcement de l’information du consommateur :
    2. interdire la publicité pour les entreprises d’ultra fast-fashion.
    3. Mise en place d’un dispositif de bonus / malus sur les vêtements.

    Plongeons plus en détail.

    1. Création d’une définition légale de la fast-fashion = pratique commerciale de collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide.

    Cette pratique est précisée comme la « mise à la disposition ou la distribution d’un nombre élevé de nouvelles références de produits neufs (…) y compris par l’intermédiaire d’un fournisseur de marché en ligne. »

    L’obligation d’information est la suivante :

    Les personnes qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I affichent sur leurs plateformes de vente en ligne des messages encourageant la sobriété, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage des produits et sensibilisant à leur impact environnemental. Cette mention est affichée de manière claire, lisible et compréhensible sur tout format utilisé, à proximité du prix. Le contenu des messages est défini par décret.

    Cette pratique est étendue à la vente en ligne et aux plateformes de vente en ligne au sens large.

    Il est précisé que les plateformes de revente de produits invendus ne sont pas concernées.

    • Sanctions: article L541-9-4-1 code de l’environnement
    • Amende administrative < 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

    DGCCRF compétente

    2. Interdiction de la publicité des produits issus de la fast fashion y compris par des influenceurs.

    L’interdiction de la publicité est la suivante :

    « Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541‑9‑1‑1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. »

    Précision étant faite aux influenceurs et plateformes de réseaux sociaux :

    La publicité (…) inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. 

    Lorsque la loi sera définitivement adoptée et promulguée, cette disposition entrera immédiatement en vigueur et au 1er janvier 2025.

    Vous pourrez enfin reprendre une activité normale sur Instagram 😉

    • Sanctions: La nouvelle loi renvoi aux dispositions du code de l’environnement – article L229-63
    • Amende de 20.000 € pour une personne physique et 100.000 € pour une personne morale Possibilité de ne pas appliquer ces montants et de sanctionner à hauteur de la totalité du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale.

    En cas de récidive, tous les montants indiqués sont doublés.

    DGCCRF compétente

    3. Le Malus sur l’impact environnemental des produits mis sur le marché

    Les obligations issues de la loi AGEC en matière de textiles, chaussures et accessoires sont applicables à tout metteur sur le marché français grand public. C’est-à-dire tous les producteurs (industriels, fabricants, grossistes, importateurs) et distributeurs.

    Il y a notamment comme obligations principales : l’adhésion à un eco-organisme (Refashion),le paiement d’une eco-contribution, un étiquetage conforme et une obligation d’affichage dont le résultat de l’évaluation de l’impact environnemental du produit peut conduire au versement d’un bonus ou au paiement d’un malus.

    Si vous voulez en savoir plus sur l’étiquetage et l’éco-contribution CTA

    La loi AGEC prévoit actuellement un malus maximum de 20% du prix de vente HT du produit lorsque celui-ci a des caractéristiques environnementales mauvaises.

    Compte tenu des prix de vente aux consommateurs des produits issus de la fast-fashion, l’impact pour les producteurs est minime (ex sur un t-shirt à 4 €).

    Le taux de ce malus est donc fixé au maximum à 50%.

    L’eco-organisme est compétent pour appliquer des pénalités prévues par le nouveau texte qui sera matérialisée par une eco-contribution plus importante a reversé à REFASHION.

    Cette pénalité sera évaluée au regard de l’obligation d’affichage de l’évaluation de l’impact environnemental.

    Les pénalités sont donc forfaitaires sous forme de malus progressif jusqu’en 2030 :

    • 5 € par produit mis sur le marché en 2025
    • 6 € par produit mis sur le marché en 2026
    • 7 € par produit mis sur le marché en 2027
    • 8 € par produit mis sur le marché en 2028
    • 9 € par produit mis sur le marché en 2029
    • 10 € par produit mis sur le marché en 2030

    Avec donc un plafond de 50% du prix de vente.

    Cette augmentation impactera le metteur sur le marché 1 an plus tard quand il déclarera et versera l’eco-contribution à Refashion.

    Ce malus ne s’applique qu’aux producteurs de « collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide ».

    Où ira cet argent collecté issu du malus ?

    La loi prévoit qu’elle sera utilisée par les eco-organismes pour financer des infrastructures de collecte et de recyclage dans des pays non-membres de l’UE.

    Vous êtes une entreprise ayant un siège social à l’étranger et vous vendez en France, êtes-vous soumis à ces obligations ?

    Oui.

    Vous devez désigner un mandataire basé en France.

    Vous ne pourrez pas échapper aux respects des obligations et des sanctions.

    Pour les sociétés étrangères non établies en France, elles demeurent responsables et soumise au principe élargi du producteur en application de l’article L541-10 du code de l’environnement.

    A surveiller: Le Sénat étudie actuellement le texte.

    Le Gouvernement de son côté prévoit deux actions supplémentaires :

    1. Le lancement d’une campagne de communication pour promouvoir le textile français et lutter contre l’ultra fast-fashion. Cette campagne sera préparée en partenariat avec l’ADEME et le MEDEF.
    2. Le portage par le Gouvernement d’une proposition de coalition internationale pour interdire les exportations de déchets textiles vers les pays qui ne sont pas en capacité de les gérer durablement, dans le cadre de la Convention de Bâle.

    Un décret doit paraitre avec les seuils de production déterminant les producteurs concernés.

    La discussion porte actuellement sur une prise en compte journalière (1000 références / jour  = SHEIN & TEMU) ou annuelle (5000 références / an = PRIMARK, KIABI, ACTION, ZARA, H&M etc…)

     

    Devant l’importance du marché de l’influence (plus de 21 milliards d’euros en 2023) qui touche aujourd’hui tous les secteurs, et dans un souci de transparence et de protection des consommateurs, la France a, avec la loi du 9 juin 2023, proposé la première réglementation au monde encadrant les activités des influenceurs, avec pour objectif de définir et de réguler les activités des influenceurs sur les réseaux sociaux.

    Mais les influenceurs sont soumis à de multiples obligations résultant de diverses sources qui appellent à la vigilance la plus grande, tant lors la rédaction des contrats d’influence (entre influenceurs et agences, ou entre influenceurs et annonceurs), que dans le comportement qu’ils doivent adopter sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes en ligne. Une vigilance d’autant plus accrue que les réglementations existantes ne couvrent pas le cœur de l’activité des influenceurs, à savoir leur statut et leur rémunération, qui restent soumises à un flou juridique mettant en risque les annonceurs, alors que les contrôles des autorités administratives s’intensifient.

    Points clés à retenir

    • L’activité des influenceurs est soumise à de nombreuses réglementations, dont la loi du 9 juin 2023.
    • Cette loi n’encadre pas seulement la rédaction des contrats d’influence, mais également le comportement de l’influenceur en vue d’une meilleure transparence auprès des consommateurs.
    • Tout influenceur dont l’audience est française est concerné par les dispositions du de la loi du 9 juin 2023, même s’il n’est pas présent physiquement sur le territoire français.
    • Tant la loi du 9 juin 2023, que le « Digital Services Act », que le projet de loi sur la « fast fashion » prévoient une responsabilité croissante des différents acteurs du secteur de l’influence commerciale, et notamment des influenceurs et des plateformes en ligne.
    • Malgré une accumulation de réglementations, le statut et la rémunération de l’influenceur restent des points non traités qui appellent à une attention particulière des annonceurs qui contractualisent avec des influenceurs.

     

    La loi du 9 juin 2023 encadrant l’activité d’influenceur  

    La définition des métiers de l’influence

    La loi du 9 juin 2023 apporte deux définitions essentielles aux activités de l’influence:

    • Les influenceurs, définis comme des « personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique ».
    • L’activité d’agent d’influenceur est définie comme « celle qui consiste à représenter, à titre onéreux », l’influenceur ou un éventuel mandataire « dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque » (article 7). L’agent d’influenceur doit prendre « les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent, pour éviter les situations de conflit d’intérêts et pour garantir la conformité de leur activité » à la loi du 9 juin 2023.

    Les obligations auxquelles sont soumis les messages commerciaux créés par l’influenceur

    La loi prévoit des obligations auxquelles sont soumis les influenceurs dans le cadre de leurs publications:

    • Mentions obligatoires: Lors de la création de contenu, la loi soumet l’influenceur à une obligation d’information vis-à-vis du consommateur, dans un objectif de transparence vis-à-vis de leur audience. La loi contraint ainsi les influenceurs à indiquer, de manière claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo de l’influenceur, quel que soit son format et durant l’intégralité du visionnage (selon modalités à définir par décret):
      – la mention « publicité » ou « collaboration commerciale ». La violation de cette obligation constitue une pratique commerciale trompeuse passible de deux d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (article 5 de la loi du 9 juin 2023).
      – la mention d’« images retouchées» (modification par procédés de traitement d’image visant à affiner ou épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage)  ou d’ « images virtuelles » (images créées par une intelligence artificielle). A défaut, l’influenceur s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et à 4.500 euros d’amende (article 5 de la loi du 9 juin 2023)
    • Promotions interdites ou réglementées : La loi rappelle certaines interdictions soumises à sanctions pénales et administratives, issues du droit français sur la promotion directe ou indirecte de certaines catégories de produits et services, sous peine de sanctions pénales ou administratives. Est ainsi concernée la promotion de produits et services:
      – de santé: chirurgie, médecine esthétique, prescriptions thérapeutiques, et produits de nicotine;
      – liés aux animaux non-domestiques, sauf si elle concerne un établissement autorisé à les détenir;
      – financiers: les contrats, produits et services financiers;
      – liés au sport : les abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs;
      – liés aux cryptoactifs : s’ils ne sont pas issus d’acteurs enregistrés ou n’ont pas reçu d’agrément de l’AMF;
      – de jeux d’argent et de hasard : leur promotion interdite pour les moins de 18 ans, et est réglementée par la loi;
      de formation professionnelle : leur promotion n’est pas interdite mais réglementée.

    La responsabilisation du comportement des influenceurs

    La loi responsabilise également les influenceurs dès la contractualisation de leurs relations et lorsqu’ils agissent en tant que vendeurs :

    • Encadrement des contrats d’influence commerciale : la loi impose, à peine de nullité, à partir d’un certain seuil de rémunération de l’influenceur (défini par décret), la formalisation par écrit du contrat entre l’annonceur et l’influenceur, mais aussi le cas échéant, entre l’agent de l’influenceur, et la stipulation obligatoire de certaines clauses (rémunération, description de la mission, etc.).
    • Responsabilité de l’influenceur en tant que cybervendeur : L’influenceur qui pratique le drop shipping (commercialisation de produits par l’influenceur sans prise en charge leur livraison, réalisée par le fournisseur) doit fournir à l’acheteur toutes les informations en langue française prévues par l’article L. 221-5 code de la consommation sur le produit, telles que, outre sa disponibilité et sa licéité (c’est-à-dire, la garantie que le produit n’est pas contrefaisant), la garantie applicable aux produits et l’identité du fournisseur. Mais en sus, les influenceurs devront garantir la bonne livraison et réception des produits, et en cas de défaut, indemniser l’acheteur. Les influenceurs sont enfin (logiquement) soumis aux obligations relatives aux pratiques commerciales trompeuses (pour plus d’information, voir La DGCCRF explique le dropshipping).

      

    La responsabilisation d’autres acteurs de l’écosystème de l’influence commerciale

    La loi prévoit la responsabilité solidaire de l’annonceur, l’influenceur ou le cas échéant, de l’agent d’influenceur pour les dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale – permettant à la victime du dommage d’exercer son action à l’encontre de la personne la plus solvable.

    En outre, la loi introduit une responsabilisation des plateformes en ligne en intégrant en partie le règlement européen 2022/2065 sur les services numériques (dit « DSA ») du 19 octobre 2022.

     

    La règlementation de l’influenceur international

    Les influenceurs établis en dehors de l’Union Européenne (de la Suisse et de l’EEE) qui promeuvent des produits ou services à destination d’un public français doivent souscrire, auprès d’un assureur établi dans l’Union européenne, une assurance responsabilité professionnelle et désigner une personne morale ou physique assurant « une forme de représentation » (SIC) sur le territoire de l’Union Européenne. Ce représentant (dont le régime n’est pas très clair) est rémunéré pour représenter l’influenceur auprès des autorités administratives et judiciaires et pour assurer la conformité de l’activité de l’influenceur à la loi du 9 juin 2023.

    En outre, selon la loi du 9 juin 2023, lorsque le contrat liant l’influenceur (ou son agence), a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d’influence commerciale par voie électronique « visant notamment un public établi sur le territoire français » (SIC), ce contrat devrait être soumis – exclusivement – au droit français (notamment au code de la consommation, au code de la propriété intellectuelle et à la loi du 9 06 23). Selon cette loi, l’absence d’une telle stipulation serait sanctionnée par la nullité du contrat. La loi du 9 juin 2023 semble être ainsi érigée en loi de police de nature à écarter le choix d’une loi étrangère.

    Mais la légitimité (quid du respect de la définition de loi de police posée par le règlement Rome I ?) et l’efficacité (quid si le contrat stipule une loi étrangère et une compétence juridictionnelle étrangère ?) d’une telle disposition légale peuvent être questionnées notamment en raison de sa rédaction imprécise et générale. En fait, ce serait plus l’activité déployée par l’influenceur « étranger » auprès de sa communauté en France qui devrait être appréhendée par les lois de police françaises, et moins le contenu du contrat conclu avec l’annonceur (qui lui-même pourrait aussi être étranger, d’ailleurs).

     

    Les autres réglementations encadrant l’activité d’influenceurs

    La réglementation européenne

    Le DSA (susvisé) responsabilise davantage les influenceurs, car outre le mécanisme de signalement imposé aux plateformes et permettant de signaler un contenu illicite (et ainsi de repérer un influenceur défaillant), les plateformes doivent s’assurer (et feront donc peser cette responsabilité sur l’influenceur) de l’identification des communications commerciales et d’obligations de transparence spécifiques à l’égard des consommateurs.

    La «soft law»

    Dès 2015, l’Autorité de Régulation de la Publicité (« ARPP ») avait émis des recommandations sur les bonnes pratiques en matière de publicité digitale. Dans la même veine, en mars 2023, le ministère de l’Économie a publié un « guide de bonne conduite » à l’attention des influenceurs et des créateurs de contenu. En 2023, la Commission européenne a lancé une plateforme d’informations juridiques pour les influenceurs. Bien que non contraignantes, ces règles, qui s’ajoutent aux réglementations existantes, sont des repères tant pour les acteurs des métiers de l’influence, que pour les juridictions et autorités administratives.

    Le statut particulier de l’enfant influenceur

     La loi du 19 octobre 2020, visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants sur les plateformes en ligne, ouvre notamment la possibilité pour les enfants influenceurs d’être reconnus en tant que travailleurs salariés. Cette loi ne visait néanmoins que les plateformes de partage de vidéos. L’article 2 de la loi du 9 juin 2023 a étendu les dispositions sur le travail des enfants influenceurs introduites par la loi de 2020 à toutes les plateformes en ligne. Enfin, une récente loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants a été publiée le 19 février 2024, a introduit un principe de responsabilité conjointe des deux parents dans la protection du droit à l’image du mineur.

    Le statut et la rémunération des influenceurs: l’incertitude persiste

    Malgré la diversité des réglementations applicables aux influenceurs, aucune ne traite spécialement de leur statut et de leur rémunération.

    Le statut de l’influenceur

    A défaut de réglementation encadrant le statut de l’influenceur, un flou juridique persiste consistant à déterminer, selon les missions qui sont contractuellement confiées à l’influenceur, si ce dernier doit être considéré comme un prestataire indépendant, ou comme un salarié (comme c’est le cas pour – pour partie- les mannequins ou les artistes), voire comme un mandataire de la marque (agent commercial).

    Des missions qui sont confiées à l’influenceur découlent en effet la nature du contrat et le régime de sécurité sociale applicable :

    • En cas de contrat de travail, l’influenceur devra relever du régime général des salariés et assimilés sur le fondement des articles L. 311-2 ou 311-3 du Code de sécurité sociale.
    • En cas de contrat de prestation de service, l’influenceur relèvera du régime des travailleurs indépendants.

     

    C’est généralement de l’existence d’un lien de subordination entre l’annonceur et l’influenceur qui induit la qualification de contrat de travail. La relation de subordination est généralement caractérisée lorsque l’employeur donne des ordres et des directives, qu’il a le pouvoir de contrôler et de sanctionner. Mais certaines activités sont soumises (pour partie) à une présomption de contrat de travail ; c’est le cas du contrat d’artiste en vertu de l’article L. 7121-3 du Code du travail, et du contrat de mannequin en vertu de l’article L. 7123-2 du Code du travail.

     

    La rémunération de l’influenceur

    L’influenceur peut être rémunéré en numéraire (forfaitaire ou proportionnelle) et/ou en nature (par exemple: remise d’un produit de la marque, invitations à des évènements privés ou publics, prises en charge de frais de voyage etc.). La rémunération de l’influenceur doit être indiquée dans le contrat d’influence et est directement impactée par le statut de l’influenceur puisque certaines obligations (salaire minimum ; paiement de charges sociales…) s’appliquent s’agissant du contrat de travail.

    Enfin, la rémunération (au titre des services de l’influenceur) doit être distinguée de celle de la cession de ses droits d’auteur ou de son droit à l’image faisant l’objet d’une rémunération distincte en contrepartie des droits d’exploitation cédés.

    L’influenceur … en ligne de mire

     

    La loi du 9 juin 2023 dote la DGCCRF de nouveaux pouvoirs d’injonction (avec astreinte renforcée). Cela vient en sus de la création récente d’une « brigade de l’influence commerciale », créée au sein de la DGCCRF, et chargée de surveiller les réseaux sociaux et de répondre aux signalements reçus sur Signal Conso. La loi prévoit des peines d’amendes et la possibilité de bloquer des contenus.

     

    Dès août 2023, la DGCCRF a mis en demeure plusieurs influenceurs de se conformer aux nouvelles règlementations en vigueur sur l’influence commerciale et leur a imposé de publier sur leurs propres réseaux sociaux un message dévoilant publiquement leur condamnation pour absence de conformité aux nouvelles dispositions relatives à la transparence due aux consommateurs, lourde sanction pour des acteurs dont l’activité repose sur la notoriété (Enquête de la DGCCRF sur les pratiques commerciales des influenceurs).

    La Commission européenne et les autorités nationales de protection des consommateurs de 22 États membres, de la Norvège et de l’Islande ont publié, le 14 février 2024, les résultats d’une analyse menée sur 570 influenceurs (opération dite « coup de balai » de 2023 sur les influenceurs) : un seul influenceur sur cinq présentait systématiquement son contenu commercial comme étant de la publicité.

    Face aux préoccupations écologiques, éthiques et qualitatives liées à la « fast fashion », une proposition de loi visant à interdire la publicité pour les marques de fast fashion, en ce compris la publicité effectuée par les influenceurs (Proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile) a été adoptée par l’Assemblée nationale en 1ère lecture le 14 mars 2024.

    La loi du 9 juin 2023 a fait l’objet de critiques de la Commission européenne, considérant que la loi contreviendrait à certains principes prévus par le droit de l’Union européenne, notamment le principe du « pays d’origine » selon lequel l’entreprise qui fournit un service dans d’autres pays de l’Union européenne est soumise exclusivement au droit de son pays d’établissement (principe initialement prévu par la Directive e-commerce du 8 juin 2000 et repris dans le DSA). Certaines de ses dispositions, notamment celles concernant l’application de la loi française à des influenceurs étrangers, pourraient donc faire l’objet de modifications prochaines – bienvenues.

    RESUME : Lors d’évènements de grande ampleur, tels que les Jeux Olympiques de Paris 2024, certaines entreprises tentent d’associer « sauvagement » leur marque ou image à l’évènement par une pratique d’« ambush marketing » (marketing d’embuscade) définie par la jurisprudence comme une « stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement » (CA Paris, 2ème chambre, 8 juin. 2018, n°17/12912). Une pratique risquée et sanctionnée mais quelque fois envisageable.

    Points clés à retenir

    • L’ambush marketing est une pratique sanctionnée mais qui n’est pas interdite en soi ;
    • En contrepartie de leurs investissements dans l’évènement concerné, les sponsors et partenaires officiels bénéficient d’une protection juridique très importante, par l’intermédiaire de divers textes généraux (contrefaçon, parasitisme, propriété intellectuelle) ou plus particuliers (droit du sport), contre toutes formes d’ambush marketing ;
    • Les Jeux Olympiques font l’objet d’une règlementation spécifique qui renforce encore davantage cette protection, notamment en matière de propriété intellectuelle ;
    • Mais ces droits ne sont pas absolus et il reste néanmoins de minces opportunités permettant une pratique – astucieuse – du marketing d’embuscade.

    La protection des sponsors et partenaires officiels de manifestations sportives ou culturelles contre l’ambush marketing

    Avec un budget de plus de 4 milliards d’euros, les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 sont financés dans une large mesure par les différents partenaires et sponsors officiels, qui bénéficient en contrepartie d’un droit d’utilisation des propriétés olympiques et paralympiques afin d’y associer leur propre image et signes distinctifs.

    La pratique d’ambush marketing n’est pas sanctionnée en tant que telle par le droit français, mais de nombreux textes épars permettent de protéger largement les sponsors et partenaires de manifestations sportives ou culturelles de dimension continentale ou mondiale, contre l’ambush marketing. Ils sont en effet légitimes à pouvoir jouir paisiblement des droits qui leur sont offerts en contrepartie des larges investissements réalisés dans le cadre d’évènements tels que, par exemple, les coupes du monde de football ou de rugby ou les Jeux Olympiques.

    Peuvent notamment être invoqués par les sponsors officiels et par les organisateurs de telles manifestations:

    • les protections « classiques » offertes par le droit de la propriété intellectuelle (droit des marques et le droit d’auteur) au titre de l’action en contrefaçon fondée sur le code de la propriété intellectuelle,
    • le droit de la responsabilité civile (parasitisme et la concurrence déloyale fondés sur l’article 1240 du code civil) ;
    • le droit de la consommation (pratiques commerciales trompeuses),
    • mais aussi des textes plus spécifiques tels que  la protection des droits d’exploitation des fédérations sportives et des organisateurs de manifestations sportives tirés des manifestations ou compétitions qu’ils organisent prévue par l’article L.333-1 du Code du sport, et qui confère aux organisateurs de manifestations sportives un monopole d’exploitation.

    Sur les fondements susvisés, ont par exemple été sanctionnées les pratiques d’ambush marketing suivantes:

    • l’exploitation d’une compétition de tennis et l’utilisation, pendant l’évènement sportif, de la marqueassociée à celui-ci : L’organisation de paris en ligne, par un opérateur de paris en ligne, portant sur le tournoi de Roland Garros, utilisant le signe protégé et la marque Roland Garros pour viser les matchs sur lesquels les paris étaient organisés. L’exploitation illicite de la compétition sportive est sanctionnée à hauteur de 400.000 euros sur le fondement de l’article L. 333-1 du code du sport, seule la fédération française de tennis (F.F.T.) étant propriétaire du droit d’exploitation de Roland Garros. L’utilisation de la marque est également sanctionnée au titre de la contrefaçon (à hauteur de 300.000 euros) et du parasitisme (à hauteur de 500.000 euros) (CA Paris, 14 oct. 2009, n°08/19179);
    • une campagne publicitaire réalisée pendant un festival de cinéma reproduisant la marque déposée de l’évènement : L’organisation, pendant la tenue du festival de Cannes, d’une opération de communication digitale réalisée par une marque de cosmétique à travers la publication sur ses réseaux sociaux, de vidéos retraçant la mise en beauté d’égéries de la marque, sur certains plans desquelles était visible l’affiche officielle du festival de Cannes, l’une d’elles reproduisant la marque déposée de la palme d’or a été sanctionnée sur les fondements de la contrefaçon de droits d’auteurs et du parasitisme à hauteur de 50.000 euros (TJ de Paris, 11 déc. 2020, n°19/08543);
    • une campagne publicitaire visant à se voir attribuer à tort la qualité de partenaire officiel d’un évènement : L’utilisation, pendant le festival de Cannes, du slogan « coiffeur officiel des femmes » associé aux expressions « Cannes » et « Festival de Cannes », et autres publications laissant faussement croire au public que le coiffeur était partenaire officiel, au préjudice du seul coiffeur officiel du festival de Cannes, a été sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme à hauteur de 50.000 euros (CA Paris, 8 juin 2018, n°17/12912);

     

    Ces sanctions pécuniaires peuvent se cumuler avec des injonctions de cessation des pratiques, et/ou de mesures de publication dans la presse, sous astreinte.

    Une protection encore renforcée lors des JO de Paris 2024

    Les Jeux Olympiques de Paris 2024 font également l’objet d’une réglementation spécifique.

    D’abord, l’article L.141-5 du code du sport édicté au profit du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJOP), protège les signes olympiques tels que les emblèmes olympiques nationaux, mais également les emblèmes, le drapeau, la devise et du symbole olympiques, l’hymne olympique, le logo, la mascotte, le slogan et les affiches des jeux Olympiques, le millésime des éditions des jeux Olympiques « ville + année« , les termes « jeux Olympiques« , « olympisme » « olympiade » « JO« , « olympique« , « olympien » et « olympienne« . Ces signes ne peuvent donc en aucun cas être reproduits ou même seulement imités par des entreprises tierces. Le COJOP a d’ailleurs publié une un guide de protection de la marque olympique rappelant les symboles, marques et signes protégés et la protection des partenaires officiels des Jeux Olympiques.

    La loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ajoute des interdictions encore plus spécifiques comme la réservation des espaces publicitaires situés à proximité des sites olympiques, ou situés sur le parcours de la flamme olympique et paralympiques, réservés aux partenaires officiels. Cette protection est unique dans le cadre des Jeux Olympiques mais habituellement non règlementée dans le cadre de simples évènements sportifs.

    Sur les fondements susvisés, ont par exemple déjà été sanctionnées les pratiques suivantes:

    • la reproduction du logo imitant la marque notoire « olympique »sur une collection de vêtements : La commercialisation d’une collection de vêtements, durant les Jeux Olympiques de 2016, portant un logo (cinq cœurs aux couleurs des 5 couleurs des JO s’entrecroisant à l’image du logo des JO) imitant le symbole olympique en association avec les mentions « RIO » et « RIO 2016 », sur le fondement du parasitisme (à hauteur de 10.000 euros) et des articles L. 141-5 du code du sport (à hauteur de 35.000 euros) et L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle (à hauteur de 10.000 euros) (TGI de Paris, 7 juin 2018, n°16/10605);
    • l’organisation d’un jeu-concours sur les réseaux sociaux utilisant les symboles protégés : durant les Jeux Olympiques de 2018 à PyeongChang, une société de location de voitures ayant organisé en ligne un jeu invitant les internautes à désigner les athlètes qu’ils souhaitaient voir gagner pour remporter un radio-réveil, associé aux hashtags « #JO2018 », « #Jeuxolympiques » ou « c’est parti pour les jeux Olympiques » sans autorisation du CNOSF, propriétaire de ces signes distinctifs au titre de la loi de 2018 et de l’article L.141-5 du Code du sport et sanctionnée sur ces fondements à hauteur de 20.000 euros, et de 10.000 euros pour parasitisme (TJ de Paris, 29 mai 2020, n°18/14115).

     

    Cette règlementation offre ainsi aux partenaires officiels une protection renforcée de leurs investissements contre les pratiques d’ambush marketing.

    Certaines opérations marketing peuvent échapper à toute sanction

    L’analyse de la jurisprudence et des pratiques promotionnelles permet néanmoins de comprendre les contours de certaines pratiques publicitaires qui pourraient être autorisées (non sanctionnées par les textes susmentionnés), sous réserve qu’elles soient préparées et présentées avec habileté. En voici quelques exemples:

    • communication sur un ton décalé ou humoristique : Une approche décalée, voire humoristique, peut permettre d’échapper aux sanctions susvisées:
    • communication d’une donnée informative à titre publicitaire : A été jugée licite l’utilisation de résultats d’un match de rugby et l’annonce d’un prochain match sur un journal pour la promotion d’un véhicule automobile et de ses signes distinctifs, la publicité indiquant : « France 13 Angleterre 24 - la Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie », les juges ayant considéré que cette publication « se borne à reproduire un résultat sportif d’actualité, acquis et rendu public en première page du journal d’information sportive, et à faire état d’une rencontre future également connue comme déjà annoncée par le journal dans un article d’information » (Cass.com., 20 mai 2014, n°13-12.102);
    • sponsoring de sportifs, y compris participant à des compétitions olympiques : Sous réserve du respect du cadre réglementaire applicable, notamment s’appliquant aux mannequins, toute société peut conclure des partenariats avec des athlètes participant aux Jeux Olympiques, par exemple en leur faisant don de vêtements portant le logo ou la marque souhaitée, qu’ils pourraient arborer lors de leur participation aux différents évènements. Les athlètes peuvent également, sous condition, diffuser des remerciements de leur partenaire (même non officiel). La règle 40 de la Charte Olympique encadre d’ailleurs l’utilisation de l’image des athlètes, entraineurs et officiels à des fins publicitaires pendant les Jeux Olympiques.

    L’approche combinée juridique et marketing de la conception et de la préparation du message d’une telle opération de communication sont essentielles pour éviter des poursuites judiciaires, notamment sur le fondement du parasitisme ; certaines campagnes publicitaires peuvent donc légitimement être envisagées, notamment quand elles sont astucieuses, voire malicieuses.

    Dans quelles conditions le dirigeant d’une société peut-il être révoqué en France?

    Cela dépend de la forme de la société.

    Prenons les formes de sociétés commerciales les plus fréquentes.

    Le gérant d’une société à responsabilité limitée ne peut être révoqué que pour juste motif, c’est-à-dire s’il a commis une faute, ou si sa révocation est nécessaire à la protection de l’intérêt social.

    Dans une société anonyme, les membres du conseil d’administration et le président du conseil d’administration peuvent être révoqués « ad nutum », c’est-à-dire à tout moment et sans avoir à justifier d’un motif. Il est interdit de déroger à cette règle. Le directeur général, en revanche, ne peut être révoqué que pour juste motif.

    Dans les sociétés par actions simplifiées, une forme sociale créée en 1994, les dirigeant sont en principe révocable « ad nutum », mais les statuts peuvent y déroger, et prévoir que le dirigeant ne pourra être révoqué que pour juste motif.

    Une décision récente de la Cour de cassation, c’est-à-dire de la plus haute juridiction judiciaire en France, retient l’attention.

    Elle concerne les sociétés par actions simplifiées (« SAS »), la forme sociale qui a le plus de succès en France : une société nouvellement créée sur deux est une SAS.

    Dans les SAS, ce sont les statuts qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, et notamment les conditions de révocation du dirigeant.

    La décision de la Cour de cassation du 12 octobre 2022 (N°21-15.382) pose un principe: si les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts, ils ne peuvent pas y déroger.

    Dans cette affaire, les statuts d’une SAS prévoyaient que le directeur général pouvait être révoqué à tout moment, et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision des associés ou de l’associé unique, et que la révocation du directeur général ne lui donnerait droit à aucune indemnité.

    Un directeur général avait été nommé par l’associé unique. Le même jour, l’associé unique avait adressé à ce directeur général un courrier lui précisant qu’en cas de révocation de ses fonctions sans juste motif, il bénéficierait d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de sa rémunération.

    Quelques années plus tard, la société a révoqué le directeur général, qui a exigé le paiement de son indemnité forfaitaire. Face au refus de la société de lui payer, l’ancien directeur général l’a assigné en paiement de l’indemnité.

    La Cour d’appel, puis la Cour de cassation ont donné raison à la société: l’ancien dirigeant n’avait pas droit à l’indemnité. Pour la Cour de cassation, les statuts fixent les modalités de révocation du directeur général, et ce sont les statuts qui priment. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger. Et même si l’acte extra-statutaire émane de l’associé unique, ou si tous les associés y ont consenti.

    En conclusion

    Il faut être prudent et bien analyser les statuts et les actes extra-statutaires tels que les pactes d’associés ou les conventions avec le dirigeant pour ne pas prendre de risque lors de la révocation d’un dirigeant de SAS.

    Résumé

    Les crises politiques, environnementales et sanitaires (telles que la crise sanitaire du Covid-19 et l’agression de l’Ukraine par l’armée russe) peuvent provoquer l’augmentation du prix des matières premières et composants et une inflation généralisée. Aussi bien les fournisseurs que les distributeurs se retrouvent confrontés à des problèmes liés à la hausse, souvent soudaine, et très substantielle, des prix de leurs approvisionnements. Le droit français pose à ce égard un certain nombre de règles spéciales constituant autant d’opportunités que de contraintes selon les intérêts en présence.

    Deux situations principales peuvent être distinguées (outre de nombreux accords ou situations particuliers): celle dans laquelle les parties n’ont pas figé les conditions tarifaires (le plus souvent en instaurant un simple flux courant de commandes ou en concluant un contrat cadre sans engagement de prix ferme sur une durée déterminée) et celle dans laquelle les parties ont conclu un accord cadre figeant les prix pendant une durée déterminée.

    La révision des prix dans une relation d’affaires

    La situation est la suivante : les parties n’ont pas conclu d’accord cadre, chaque contrat de vente conclu (chaque commande) est régi par les CGV du fournisseur ; ce dernier ne s’est pas engagé à maintenir les prix pendant une durée minimum et applique les prix du tarif en cours.

    En principe, le fournisseur peut modifier ses prix à tout moment en adressant un nouveau tarif. Il devra cependant accorder par écrit un préavis raisonnable conforme aux dispositions de l’article L. 442-1.II du code de commerce, avant que son augmentation de prix n’entre en vigueur. Faute de respecter un préavis suffisant, il pourrait se voir reprocher une rupture brutale « partielle » des relations commerciales (et s’exposer à des dommages-intérêts).

    Une rupture brutale consécutive à une augmentation de prix est caractérisée quand les conditions suivantes sont réunies :

    • la relation commerciale doit être établie : notion plus large que le simple contrat, en tenant compte de la durée mais aussi de l’importance et de la régularité des échanges entre les parties ;
    • l’augmentation de prix doit être assimilée à une rupture : c’est principalement l’importance de l’augmentation des prix (+1%, 10% ou 25% ?) qui conduira un juge à déterminer si l’augmentation constitue une rupture « partielle » (en cas de modification substantielle de la relation qui est néanmoins maintenue) ou une rupture totale (si l’augmentation est telle qu’elle implique un arrêt de la relation) ou si elle ne constitue pas une rupture (si la hausse est minime) ;
    • le préavis accordé est insuffisant en comparant la durée du préavis effectivement accordé à celle du préavis conforme à l’article L. 442-1.II, tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale et de l’éventuelle dépendance de la victime de la rupture à l’égard de l’autre partie.

    L’article L. 442-1.II est d’ordre public dans les relations internes françaises. Dans les relations commerciales internationales, pour savoir comment traiter l’article L.442-1.II et les règles de conflits de lois ainsi que les règles de compétence juridictionnelle, veuillez consulter notre précédent article publié sur le blog Legalmondo.

     La révision des prix dans un contrat-cadre

    Si les parties ont conclu un contrat-cadre (tels que approvisionnement, fabrication, …) de plusieurs années et que le fournisseur s’est engagé sur un tarif ferme, comment, dans ce cas, peut-il augmenter ses prix ? Indépendamment d’une clause d’indexation ou d’une clause de renégociation qui serait stipulée au contrat (outre les dispositions légales spécifiques applicables aux conventions particulières quant à leur nature ou à leur secteur économique), le fournisseur peut chercher à se prévaloir du mécanisme légal de « l’imprévision » prévu par l’article 1195 du code civil,

    Ce mécanisme ne permet pas au fournisseur de modifier unilatéralement ses prix mais lui permet de négocier leur adaptation avec son client.

    Trois conditions préalables doivent être cumulativement réunies:

    • un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat (i.e. : les parties ne pouvaient pas raisonnablement anticiper ce bouleversement);
    • une exécution du contrat devenue excessivement onéreuse (i.e. : au-delà de la simple difficulté, le bouleversement doit causer un déséquilibre de l’ordre de la disproportion);
    • l’absence d’acceptation de ces risques par le débiteur de l’obligation lors de la conclusion du contrat.

    La mise en œuvre de ce mécanisme doit suivre les étapes suivantes:

    • d’abord, la partie en difficulté doit demander la renégociation du contrat à son cocontractant;
    • ensuite, en cas d’échec de la négociation ou de refus de négocier de l’autre partie, les parties peuvent convenir ensemble (i) de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou (ii) de demander au juge compétent de procéder à son adaptation;
    • enfin, à défaut d’accord des parties sur l’une des deux options précitées, dans un délai raisonnable, le juge, saisi par l’une des parties, peut réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

    La partie voulant mettre en œuvre ce mécanisme légal doit aussi anticiper les points suivants:

    • l’article 1195 du code civil ne s’applique qu’aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 (ou renouvelés après cette date). Les juges n’ont pas le pouvoir d’adapter ou rééquilibrer les contrats conclus avant cette date;
    • cette disposition n’est pas d’ordre public dans les relations internes (ni une loi de police au en matière internationale). Dès lors, les parties peuvent l’exclure ou modifier ses conditions d’application et/ou de mise en œuvre (le plus courant étant l’encadrement des pouvoirs du juge);
    • durant la renégociation le fournisseur devra continuer à vendre au prix initial car, contrairement à la force majeure, l’imprévision n’entraîne pas la suspension du respect des obligations.

    Points clefs à retenir:

    • analyser avec attention le cadre de la relation commerciale avant de décider de notifier une augmentation des prix, afin d’identifier si les prix sont fermes sur une durée minimum et les leviers contractuels de renégociation;
    • identifier correctement la durée du préavis devant être accordé au partenaire avant l’entrée en vigueur des nouvelles conditions tarifaires, selon l’ancienneté de la relation et le degré de dépendance;
    • documenter la hausse de prix;
    • vérifier si et comment le mécanisme légal de l’imprévision a été amendé ou exclu par le contrat-cadre ou les CGV ou les CPV;
    • envisager des alternatives fondées éventuellement sur l’arrêt des productions/ livraisons en se retranchant, si cela est possible, derrière un cas de force majeure ou sur le déséquilibre significatif des dispositions contractuelles.

    Alexandre Malan

    Practice areas

    • Arbitrage
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