France: Ambush marketing et Jeux Olympiques Paris 2024 

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RESUME : Lors d’évènements de grande ampleur, tels que les Jeux Olympiques de Paris 2024, certaines entreprises tentent d’associer « sauvagement » leur marque ou image à l’évènement par une pratique d’« ambush marketing » (marketing d’embuscade) définie par la jurisprudence comme une « stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement » (CA Paris, 2ème chambre, 8 juin. 2018, n°17/12912). Une pratique risquée et sanctionnée mais quelque fois envisageable.

Points clés à retenir

  • L’ambush marketing est une pratique sanctionnée mais qui n’est pas interdite en soi ;
  • En contrepartie de leurs investissements dans l’évènement concerné, les sponsors et partenaires officiels bénéficient d’une protection juridique très importante, par l’intermédiaire de divers textes généraux (contrefaçon, parasitisme, propriété intellectuelle) ou plus particuliers (droit du sport), contre toutes formes d’ambush marketing ;
  • Les Jeux Olympiques font l’objet d’une règlementation spécifique qui renforce encore davantage cette protection, notamment en matière de propriété intellectuelle ;
  • Mais ces droits ne sont pas absolus et il reste néanmoins de minces opportunités permettant une pratique – astucieuse – du marketing d’embuscade.

La protection des sponsors et partenaires officiels de manifestations sportives ou culturelles contre l’ambush marketing

Avec un budget de plus de 4 milliards d’euros, les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 sont financés dans une large mesure par les différents partenaires et sponsors officiels, qui bénéficient en contrepartie d’un droit d’utilisation des propriétés olympiques et paralympiques afin d’y associer leur propre image et signes distinctifs.

La pratique d’ambush marketing n’est pas sanctionnée en tant que telle par le droit français, mais de nombreux textes épars permettent de protéger largement les sponsors et partenaires de manifestations sportives ou culturelles de dimension continentale ou mondiale, contre l’ambush marketing. Ils sont en effet légitimes à pouvoir jouir paisiblement des droits qui leur sont offerts en contrepartie des larges investissements réalisés dans le cadre d’évènements tels que, par exemple, les coupes du monde de football ou de rugby ou les Jeux Olympiques.

Peuvent notamment être invoqués par les sponsors officiels et par les organisateurs de telles manifestations:

  • les protections « classiques » offertes par le droit de la propriété intellectuelle (droit des marques et le droit d’auteur) au titre de l’action en contrefaçon fondée sur le code de la propriété intellectuelle,
  • le droit de la responsabilité civile (parasitisme et la concurrence déloyale fondés sur l’article 1240 du code civil) ;
  • le droit de la consommation (pratiques commerciales trompeuses),
  • mais aussi des textes plus spécifiques tels que  la protection des droits d’exploitation des fédérations sportives et des organisateurs de manifestations sportives tirés des manifestations ou compétitions qu’ils organisent prévue par l’article L.333-1 du Code du sport, et qui confère aux organisateurs de manifestations sportives un monopole d’exploitation.

Sur les fondements susvisés, ont par exemple été sanctionnées les pratiques d’ambush marketing suivantes:

  • l’exploitation d’une compétition de tennis et l’utilisation, pendant l’évènement sportif, de la marqueassociée à celui-ci : L’organisation de paris en ligne, par un opérateur de paris en ligne, portant sur le tournoi de Roland Garros, utilisant le signe protégé et la marque Roland Garros pour viser les matchs sur lesquels les paris étaient organisés. L’exploitation illicite de la compétition sportive est sanctionnée à hauteur de 400.000 euros sur le fondement de l’article L. 333-1 du code du sport, seule la fédération française de tennis (F.F.T.) étant propriétaire du droit d’exploitation de Roland Garros. L’utilisation de la marque est également sanctionnée au titre de la contrefaçon (à hauteur de 300.000 euros) et du parasitisme (à hauteur de 500.000 euros) (CA Paris, 14 oct. 2009, n°08/19179);
  • une campagne publicitaire réalisée pendant un festival de cinéma reproduisant la marque déposée de l’évènement : L’organisation, pendant la tenue du festival de Cannes, d’une opération de communication digitale réalisée par une marque de cosmétique à travers la publication sur ses réseaux sociaux, de vidéos retraçant la mise en beauté d’égéries de la marque, sur certains plans desquelles était visible l’affiche officielle du festival de Cannes, l’une d’elles reproduisant la marque déposée de la palme d’or a été sanctionnée sur les fondements de la contrefaçon de droits d’auteurs et du parasitisme à hauteur de 50.000 euros (TJ de Paris, 11 déc. 2020, n°19/08543);
  • une campagne publicitaire visant à se voir attribuer à tort la qualité de partenaire officiel d’un évènement : L’utilisation, pendant le festival de Cannes, du slogan « coiffeur officiel des femmes » associé aux expressions « Cannes » et « Festival de Cannes », et autres publications laissant faussement croire au public que le coiffeur était partenaire officiel, au préjudice du seul coiffeur officiel du festival de Cannes, a été sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme à hauteur de 50.000 euros (CA Paris, 8 juin 2018, n°17/12912);

 

Ces sanctions pécuniaires peuvent se cumuler avec des injonctions de cessation des pratiques, et/ou de mesures de publication dans la presse, sous astreinte.

Une protection encore renforcée lors des JO de Paris 2024

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 font également l’objet d’une réglementation spécifique.

D’abord, l’article L.141-5 du code du sport édicté au profit du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJOP), protège les signes olympiques tels que les emblèmes olympiques nationaux, mais également les emblèmes, le drapeau, la devise et du symbole olympiques, l’hymne olympique, le logo, la mascotte, le slogan et les affiches des jeux Olympiques, le millésime des éditions des jeux Olympiques « ville + année« , les termes « jeux Olympiques« , « olympisme » « olympiade » « JO« , « olympique« , « olympien » et « olympienne« . Ces signes ne peuvent donc en aucun cas être reproduits ou même seulement imités par des entreprises tierces. Le COJOP a d’ailleurs publié une un guide de protection de la marque olympique rappelant les symboles, marques et signes protégés et la protection des partenaires officiels des Jeux Olympiques.

La loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ajoute des interdictions encore plus spécifiques comme la réservation des espaces publicitaires situés à proximité des sites olympiques, ou situés sur le parcours de la flamme olympique et paralympiques, réservés aux partenaires officiels. Cette protection est unique dans le cadre des Jeux Olympiques mais habituellement non règlementée dans le cadre de simples évènements sportifs.

Sur les fondements susvisés, ont par exemple déjà été sanctionnées les pratiques suivantes:

  • la reproduction du logo imitant la marque notoire « olympique »sur une collection de vêtements : La commercialisation d’une collection de vêtements, durant les Jeux Olympiques de 2016, portant un logo (cinq cœurs aux couleurs des 5 couleurs des JO s’entrecroisant à l’image du logo des JO) imitant le symbole olympique en association avec les mentions « RIO » et « RIO 2016 », sur le fondement du parasitisme (à hauteur de 10.000 euros) et des articles L. 141-5 du code du sport (à hauteur de 35.000 euros) et L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle (à hauteur de 10.000 euros) (TGI de Paris, 7 juin 2018, n°16/10605);
  • l’organisation d’un jeu-concours sur les réseaux sociaux utilisant les symboles protégés : durant les Jeux Olympiques de 2018 à PyeongChang, une société de location de voitures ayant organisé en ligne un jeu invitant les internautes à désigner les athlètes qu’ils souhaitaient voir gagner pour remporter un radio-réveil, associé aux hashtags « #JO2018 », « #Jeuxolympiques » ou « c’est parti pour les jeux Olympiques » sans autorisation du CNOSF, propriétaire de ces signes distinctifs au titre de la loi de 2018 et de l’article L.141-5 du Code du sport et sanctionnée sur ces fondements à hauteur de 20.000 euros, et de 10.000 euros pour parasitisme (TJ de Paris, 29 mai 2020, n°18/14115).

 

Cette règlementation offre ainsi aux partenaires officiels une protection renforcée de leurs investissements contre les pratiques d’ambush marketing.

Certaines opérations marketing peuvent échapper à toute sanction

L’analyse de la jurisprudence et des pratiques promotionnelles permet néanmoins de comprendre les contours de certaines pratiques publicitaires qui pourraient être autorisées (non sanctionnées par les textes susmentionnés), sous réserve qu’elles soient préparées et présentées avec habileté. En voici quelques exemples:

  • communication sur un ton décalé ou humoristique : Une approche décalée, voire humoristique, peut permettre d’échapper aux sanctions susvisées:
  • communication d’une donnée informative à titre publicitaire : A été jugée licite l’utilisation de résultats d’un match de rugby et l’annonce d’un prochain match sur un journal pour la promotion d’un véhicule automobile et de ses signes distinctifs, la publicité indiquant : « France 13 Angleterre 24 - la Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie », les juges ayant considéré que cette publication « se borne à reproduire un résultat sportif d’actualité, acquis et rendu public en première page du journal d’information sportive, et à faire état d’une rencontre future également connue comme déjà annoncée par le journal dans un article d’information » (Cass.com., 20 mai 2014, n°13-12.102);
  • sponsoring de sportifs, y compris participant à des compétitions olympiques : Sous réserve du respect du cadre réglementaire applicable, notamment s’appliquant aux mannequins, toute société peut conclure des partenariats avec des athlètes participant aux Jeux Olympiques, par exemple en leur faisant don de vêtements portant le logo ou la marque souhaitée, qu’ils pourraient arborer lors de leur participation aux différents évènements. Les athlètes peuvent également, sous condition, diffuser des remerciements de leur partenaire (même non officiel). La règle 40 de la Charte Olympique encadre d’ailleurs l’utilisation de l’image des athlètes, entraineurs et officiels à des fins publicitaires pendant les Jeux Olympiques.

L’approche combinée juridique et marketing de la conception et de la préparation du message d’une telle opération de communication sont essentielles pour éviter des poursuites judiciaires, notamment sur le fondement du parasitisme ; certaines campagnes publicitaires peuvent donc légitimement être envisagées, notamment quand elles sont astucieuses, voire malicieuses.

Christophe Hery
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